Viens m’aider à dormir, viens près de moi t’asseoir Pour que cesse ma peur dès les lueurs du soir Venu pour tout éteindre ; Découvre un peu le drap, assieds-toi sur le lit Puis ôte de mes mains, ce livre que je lis Et laisse-moi t’étreindre.
Je sens ton sang et ton sein chauds de mammifère M’étourdir mieux que ce satané somnifère De curare et d’opium Que j’avale avec de l’eau sucrée dans un verre Qui a servi de vase à une primevère Et à un géranium
Morts depuis bien longtemps et le médicament A cru les remplacer comme on change d’amant Lorsque l’âme somnole Après qu’elle a livré un combat de titan En se bousculant sans s’accorder de mi-temps Dans l’arène espagnole.
Elle demandait à mon cœur frêle et tremblant Un soutien minimum pour garder un semblant De dignité farouche Alors que cet organe, affecté lui aussi Par cette frénésie qui lui causait souci Montait me voir en bouche ;
La sirène agitait sa roja muleta Et le taureau était dans un drôle d’état Au cours de la bataille Où le sang affluait aux naseaux, sur les flancs Alors que le poisson mollasson comme un flan N’était pas à sa taille.
Ô tendre, cette horreur, ce soir, efface-la, Retiens-moi dans tes bras, reste comme cela Et dis-moi si l’ablette A perdu le combat et a été huée Par la foule et si le beau taureau l’a tuée De sa force d’athlète.
Ecrase mes cachets, vide tout le flacon, Viens m’enneiger le front, le tien est un flocon Qui adoucit ma ride ; Mon âme est apaisée, mon cœur va ralentir, Ma poitrine est ouverte et vide et va sentir Ton haleine torride.
En m’endormant, je songe au fretin frétillant Aux écailles dorées, marchant en sautillant Devant la belle bête Encornée pour jouer par ses parents taureaux Si loyaux qu’ils craignaient de causer du tort au Barbeau qui les embête.