Le silence – on le sait - a ses propriétés Quand l’agitation perturbe les oreilles ; Sans doute, meilleures sont les sobriétés Aux suavités et aux douceurs sans pareilles.
Taisez-vous ! Taisons-nous ! semblent dire les vents Qui hurlent sur les monts et sifflent dans les plaines ; Notre souffle est un corps étrangement vivant Qui contient tous les cris dont les âmes sont pleines.
Laissez-nous crépiter semblent dire les feux Sans nous attiser car nous brandirions notre arme Qui ferait s’écrouler dans un brasier affreux Ce qui tient debout dans un furieux vacarme.
Pourquoi nous arrêter, disent bien des ruisseaux, Alors que notre eau est joyeuse et bondissante ? Vos murs nous obligent à de périlleux sauts S’effondrant en une cascade assourdissante.
Et la terre écrasée, perforée, piétinée Qui geint sous les douleurs, la violation Des armées, des outils qui l’ont ratatinée Vocifère : hé ! assez ! Capitulation !
Trop de ouh la la, trop de blabla, trop de sons, Trop d’éructation, trop de « je vous informe » Trop de pouvoir sur le devoir, trop de leçons, Trop de lie dans le fond d’une parole informe. »
Trop d’avions, de fusées, de bombes, de canons Qui blessent les éclairs, étouffent les tonnerres. Trop peu de sources où se baigne une Manon Nue avec une fleur perdue dans ses phanères.
Ah ! Monsieur de Vigny qui détestiez le bruit, Dormez ! Dormez ! Dormez ! Ne pleurez plus les aubes Et restez dans vos nuits en savourant le fruit Du silence en plaquant sur vos tympans vos lobes.