Les feuilles sont tombées laissant seules les branches ; Les ombres sont parties, les mouvements aussi ; Le soleil reste encore et semble avoir grossi Dans un quasi désert fui par les couleurs franches.
Je passe chaque jour sous les grands peupliers, Le regard étonné tourné sur leur écorce Entourant le tronc fin et quand le vent se corse Leur haute cime oscille et sans mal peut plier.
A deux pas de ce lieu, reste un couple de vieux Dans une chaumière à la porte en bois branlante, Se contentant de grâce et de pauvreté lente Dans le quotidien mis dans leur foi en Dieu.
Quand s’approche le soir, assis tout près du feu, Ils surveillent l’horloge où le temps se balance Et goûtent, cils baissés, ces moments de silence Où ils sont attentifs à ne bouger qu’un peu.
Ils se tiennent, heureux, par le trait de leurs yeux, Par le parchemin de leurs mains laborieuses Qui ont parcouru de leurs paumes curieuses Toutes les beautés que connurent leurs aïeux.
Rien ne les divertit de ce tendre bonheur, De ce muet partage avec leur solitude Qui leur tient compagnie avec cette habitude De ne rien demander pour garder leur honneur.
Maladies, misères, haut-le-cœur, malheurs, peurs, Sont venus les troubler avec de lourdes armes Et ils ont résisté en versant pleurs et larmes Qui ont nettoyé la langueur de leurs torpeurs.
Le rose de leurs joues fait triste mine grise ; La ride a cheminé des tempes jusqu’au cou ; La fleur dans le vase ne tient plus trop le coup Et réclame de l’eau et un bon air de brise.
Ils s’en vont doucement, avec sérénité, Dans la paix partagée d’un soir bien ordinaire Un peu pénétrés par un monde imaginaire Qui les accueillerait dans son éternité.
Que pensent-ils de nous, nous qui à eux pensons Seulement en croyant qu’ils sont dans l’indigence ? Leur parole est rare et ils ont l’intelligence D’économiser tout quand trop nous dépensons.
Je suis un peu jaloux, amusé, envieux En les observant par un carreau de fenêtre Et leur dépouillement au fond de moi fait naître Le désir de changer ma peau de jeune en vieux.