Ils sont devant nous, les beaux jours ; L’eau de rosée perle Aux lèvres des jeunes amours, Au bec fin du merle ; S’entendent les chants des oiseaux ; La blanche aube arrive Et découvre joncs et roseaux Parsemant la rive. C’est un matin fardé de mai ; Une pâquerette En fugue, a grimpé au sommet Où paît la chevrette. Un marcheur l’arrache et la sent Puis elle rend l’âme ; Ce passant en se délassant Risque un mortel blâme…
Au pied du mont, ifs et cyprès S’emmêlent les branches Et se dresse un chêne si près Qu’il tâte leurs hanches ; Vêtu d’un beau feuillage vert Il abrite un homme Heureux d’avoir passé l’hiver Sous son noble dôme. Maintenant que naît le printemps, Naissent les cerises Et ce grand gaillard de vingt ans, Le nez dans les brises, Attendra que les petits fruits Accroissent leur taille Puis il les cueillera sans bruit, Sans livrer bataille.
Le marcheur vient à sa hauteur ; (Une marguerite Ayant su qu’il était l’auteur Du meurtre innommable Se blottit contre le gaillard Jeune et bien aimable ;)
« Vous êtes pire qu’un pillard, Monsieur ; l’innocence Veut être caressée des yeux Depuis sa naissance Ou par l’air cotonneux des dieux Mais votre main rêche Aux ordres d’un cerveau éteint Tua la fleur fraîche. Allons, veuillez fuir au lointain. »
Aux anges, Marguerite acquiesce Ce docte sermon Prononcé autant à la messe Que du haut d’un mont. Devant eux sont là le beau jour Et un arbre à pomme, Fruit rouge croquant de l’amour Qu’aiment femme et homme. Les jours nouveaux sont devant eux ;