Oh ! Dieu que je l’aime quand elle rit mais la Langue qu’elle a sortie pour me dire un poème Est belle comme mes vers : ah ! la rime est là Pour donner de l’éclat à nos vies de bohème.
Je l’écoute en fermant ma bouche et j’ouvre en grand Ma vue et mon ouïe subjuguées par le charme De l’accent qu’elle met dans son talent flagrant Aussi subtil qu’une violette de Parme.
Je suis abasourdi : elle lit mon écrit Qu’elle apprécie ainsi qu’un « sanscrit » de Corbière Dans lequel le poète écorché vif décrit Sa vie mouvementée avant sa mise en bière.
Oh ! Je ne vaux pas de partager son fauteuil Qui n’était d’ailleurs qu’un banc ( peut-être une chaise ) ; Mais, lectrice, à ma mort, porteras-tu le deuil Et m’accompagneras-tu au Père-Lachaise ?
Ah ! tu ris, tu crois que je ne vais pas mourir ? Continue de chanter cette étrangissime ode Que je t’ai destinée ; tu sais, je vais pourrir Nu comme Jésus sous la férule d’Hérode.
Pour le moment, je laisse entrer son air exquis Qui emplit mes poumons fleuris de violette Et monte parfumer partout mon vertex qui Se plaint d’une trop forte odeur de mimolette.
Voilà qu’elle pleure et qu’elle sourit en coin ; Il doit s’agir des nerfs craquant quand on les lâche. Je sais qu’elle aime assez bien la purée de coing Dont mon poème est plein ; je me sens un peu lâche
D’avoir tant tartiné ma composition D’une confiture plaisant tant à sa langue Qui se sort sans montrer d’indisposition (Ayant déjà léché un cœur sucré de mangue.)
Mes vers immangeables ont ce goût du poison Irrésistiblement captés par l’attirance Qui cherche à faire entrer un être en pâmoison Sans que l’offrande du magma sente le rance.
Oh ! Dieu que je l’aime celle qui croit aimer Un bon salmigondis de sucre canne en poudre Mais je reste muet, je veux exploiter mes Capacités à dans un sirop me dissoudre.
Vive la bohème qui ment aux bohémiens Mais je ne veux pas de doute à ma bohémienne ; Le mensonge innocent a le culte des miens Et mon boniment fait que ma lectrice est mienne.