A ne pas en douter, les vieux ne sont pas nés Après l’année soixante Quand ne puaient plus les peaux des poissons panés Bienheureux qu’on les sente
Ainsi que bouc et chèvre dont leur cabri au lait Se mangeait en Ardèche Quand les beaux Lyonnais dans leur cabriolet S’en prenaient à la dèche
Et aux alentours de la cité de Nemours Vivaient en Seine-et-Marne Des Brie coulants voulant couler leurs doux amours Ailleurs que dans la marne
Les pâles parisiens aux si plats pectoraux Rêvaient de la Camargue Où les lassos allaient au beau cou des taureaux Qui les sans-muscle nargue
Beaucoup ne sont pas nés quand Bertrand Du Guesclin Faisait mal à l’Espagne Qui aujourd’hui comme la France est en déclin Sa fidèle compagne
Le plus grand roi des Francs fut le nommé Clovis Qui reçut le baptême Puis il mit les païens au-dessous d’un Elvis Qui conquit le Système
Le vivant se battait jusqu’à en être mort Et réclamait sa veille Puis circulait devant tous en pensant qu’a tort L’endormi qu’il réveille
C’était au temps où les poissons blancs nageaient dans Une eau tranquille et claire Maintenant, les flétans ressemblant aux sans-dents Semblent être pour plaire.
Bien sûr, tous les poissons ne sont pas nés panés (Le grondin est horrible) Mais les marins-pêcheurs ne sont pas dépannés Par l’océan terrible
Le camembert ne veut plus qu’il soit dit puant Et le lait préfère vivre dans une brique Mais la chouette effraie, le hibou chat-huant De leur œil rond voient se bâtir une fabrique
A donner quelque chose à des gens au repos Qui ont perdu le goût de manier la pioche Et la baïonnette pointue qui troue la peau Du vaillant dont la main reste au fond de la poche.
Les morts ne dorment plus près des flancs des vivants Engraissés aux produits affranchis de la terre Et les mers ne font plus confiance à leurs vents Chargés des poisons qui changent leur caractère.
Demain, de vrais Picards, de gais enfants d’Amiens Iront découvrir la promenade de Nice Entourés de copains : Brice, Luc et Damien Et n’auront pas lu de Racine Bérénice
Mais s’empiffreront des tristes modernités Qui piègent goulûment le candide touriste Et les Dieux ébaubis dans leurs éternités Voient se développer le monde futuriste
Se mouler au présent dans le vieux vêtement Qui serre à la ceinture et sert juste à la mode Et qu’il renfilera cet âne bêtement Mais d’une autre façon ou sous un autre mode.
Poisson, fromage, bouc, pieds foulant le raisin, Ecartèlements et duels à la rapière, Enucléations, valent bien des Feyzin Dont le mortifère air est pire que la pierre
Que les preux propulsaient par l’ingénieux jeu Des catapultes sur les armées ennemies Et les gorges tranchées connaissaient bien l’enjeu Des règles où seules les terreurs sont amies.
Les cachottiers mettent sang, sueur, puanteur De côté pour ne pas troubler l’eau de la berge Qui, sournoisement, dans le sable et en lenteur Agace avec douceur leur petit ver dit verge.