Jolie jeune fille, j’ai vu que vous fumiez Une cigarette dans la rue Baudelaire ; Le parfum du blond ou du brun paraît vous plaire Après l’âcre fumet des vapeurs du fumier.
Nos parents très longtemps furent des paysans Qui ont passé le nez collé au cul des vaches A la queue balayant cils, sourcils et moustaches Tout en balançant des odeurs de vieux faisans.
Ils ont harnaché les bœufs blancs et les chevaux Puis ont récolté le chaud crottin à la pelle ; Et quand une maman jument la nuit appelle Pour son accouchement, leurs mains font les travaux.
Ils ont lancé le grain aux oies, poules, canards, Nettoyé les clapiers des lapins, des lapines ; Ils ont débusqué dans les buissons d’aubépines Des marmottes, des loirs, des blaireaux, des renards.
Les toilettes étaient au fin fond du jardin Où tourbillonnait une étincelante mouche (A tenter d’éviter pour ne pas qu’elle touche La bouche en la chassant du côté du « boudin. »)
Sous les chapeaux, la ride avait creusé le front Rougi par le soleil et l’acier de la bise Mais sans fard de honte, chantaient les vieux « offrons Nos joues aux désireux de nous donner la bise. »
Un féru de tabac gris sa pipe bourrait Ou roulait celui-ci dans une cigarette ; Sa femme cancanait « Oh, mon homme pourrait Comprendre que ça pue ! Mais, que sézigue arrête…
Pour sûr, elle riait et dans l’âtre brûlait La bûche de chêne qui léchait la marmite Où cuisaient les navets dans un litre de lait Pris au pis – quelques fois - atteints d’une mammite.
Dans la cuisine de terre battue un porc Grognait en fouillant de son groin une bassine Où les épluchures assuraient un apport A ses jambons si bons avant qu’on « l’assassine »
La pièce basse et sombre étaient là où l’on vit, Les narines toujours ouvertes sur le rance, Le moisi, le trop cuit, les étrons et l’on vit Que ces gagne-petits avaient bâti la France.
Jeune fille jolie, tu fumes du tabac Blond ou brun quand il fut gris chez le fier ancêtre, Qui ne savait pas mais toi tu sais qu’il t’abat Alors, demande-toi ce que ton cœur pense être.
Demande-toi pourquoi les anciens mouraient tôt, Eux qui pour oublier par moments leur vie dure, Les déchets, les odeurs, s’offraient un beau château Où les murs en fumée partaient au vide-ordure.