Je vois dans tes yeux clairs ce que je sus naguère : Ce verger odorant où les abricotiers Ombraient les églantiers et les fleurs n’avaient guère De débris à cacher près des abris côtiers.
Je me sens apaisé en ferveur, dès l’aurore Dans la paume de tes mains emplies de bonté, Où je suis dorloté et tout mon corps adore Le picotement de ce frisson effronté.
Des mots charmants chantés au contour de l’oreille Me chauffent de bonheur et tes bras enlacés Autour de mon cou plus rouge qu’une groseille Ont un moelleux que je goûte sans me lasser.
Tu aimes t’esclaffer au fil d'argent qui glisse, - Dans ce rire passant entre de blanches dents - Sur ta chevelure noire, abondante et lisse Remise en forme par mes doigts vagabondants.
M’émeuvent de ton front la ride sinueuse Que je lis au-dessus de tes yeux bleus-verts-gris Et la fragilité de cette hanche osseuse Où se sont tant frottés tes poignets amaigris.
Ni un pleur, ni un cri n’ont fusé de ta bouche Ouverte aux longs baisers, aux prières du soir Que tu me récitais en bordant bien ma couche Pour que le bon Dieu vienne auprès de moi s’asseoir.
Sur un champ de melons blonds ta fenêtre s’ouvre Et tes volets ne sont nuit et jour jamais clos ; Du lait coule de ton mamelon qu’on découvre Quand le tète un agneau qui le préfère à l’eau.
Tu vas ranger avec soin ta robe fleurie Dans l’armoire vieillie héritée du passé Près de l’écharpe bleue dont la coquetterie Est de dissimuler ce qui peut dépasser…
Ce matin, pourquoi dors-tu encore, ô ma mère, Dans la chambre blanche où le soleil vient te voir Chaque jour, le premier ? Je suis là ; mon âme erre Déjà ; oui, je sais, tu n’as fait que ton devoir.