Ce Juif noiraud, trapu, parlait l’Araméen, Une langue qui ne l’a survécu que morte Comme il est mort aussi, le gars Nazaréen Sur la croix dont le bois eût pu servir de porte Qui lui était fermée au bled où il fut né Et ses parents pleurants l’ont mis dans une crèche Un vieux lieu réservé non pas au fortuné Ni à celui dont la gourde est pleine d’eau fraîche Mais au petit dernier, le dernier des derniers, Le petit qu’on oublie tout au fond de la classe Qui regarde au carreau frémir les marronniers Dont le balancement tranquille les délasse Et il se dit que lui voudrait être comme eux Puissamment installés dans la cour de l’école Et personne en passant très près d'eux ne s’émeut Que leur pied au sol tient sans un besoin de colle. Il a l’âme élastique et le cœur caoutchouc Partagés entre la liberté et la force L’enivrement et la sobriété du chou Dont les feuilles ne font pas bomber son beau torse. Que fera-t-il demain le gars Nazaréen Qui commença sa vie dans une crèche-étable ? Connaîtra-t-il un sud ou un nord coréen Assis face à sa face à une même table ? Il choisit plus et mieux que cela, il se prit Pour le fils de celui qui a crée le monde L’univers et le vert de la mer et l’esprit Armé pour arrêter l’avancée de l’immonde Bête qui s’introduit dans le faible et lui mord Le cœur pour l’endurcir et le conduire à faire Ce que n’a jamais pu envisager un mort Après la faillite de sa petite affaire. Il répandit partout qu’il était l’envoyé, Le Messie espéré par un peuple en souffrance Qui était devenu la proie d’un dévoyé Pouvoir qui avait sur lui la prépondérance. Il a dit ce qu’il fit et fit ce qu’il a dit En s’appuyant sur la volonté de son Père Régnant calmement dans un secret paradis Imaginé par toute espèce qui espère Découvrir la source où coulent des miels gelés ; Il n’a pas suivi un chemin bordé de roses Emprunté par les pieds dans des souliers ailés Mais s’est enfilé dans des sentiers de nécroses Où ronce, houx, boue, gui pourris sont emmêlés. Il s’est dit porteur de la bonne nouvelle et A parlé au pauvre, au malade et à l’esclave D’un monde désuet qui se renouvelait Par la plongée dans l’eau sanctifiée qui lave L’impureté de l’âme où niche le péché A la crasse épaisse et dure et lourde au possible Qui partira dans le bain qui n’est empêché Que par le Malin qui vise la même cible. Mais l’habile roué n’est pas si affûté Et perd parfois son sang-froid face à une force Décidée à montrer son bon côté futé En bombant hardiment la maigreur de son torse. Champion, il obtint, dit-on, la guérison Du paralytique, du lépreux, de l’aveugle En les faisant sortir d’une horrible prison Où ne s’entend même pas quand la vache meugle. Et toujours, il marchait sur ces mauvais sentiers Fréquentés par serpents, rats musqués et moustiques Balayés par des vents échappés des brasiers Où grillent des vivants croyants et agnostiques. *** Pauvre noiraud trapu et qui en plus est laid Pourquoi a-tu voulu montrer ta face au monde Et ta bonté qui te fut donnée par le lait Que tu bus au pis de la brebis moribonde Depuis qu’elle a su que tu étais recherché Et qui titube dans le sang du sacrifice De l’agneau égorgé par le loup alléché Par la pureté qui jaillit d’un orifice Déchiré ; mais les crocs exercés à tuer Un jour deviendront des dents modelant la pâte De modèles nouveaux car la vie sait muer En changeant en main blanche une vilaine patte. O doux-fou Yeshoua, tes contradictions Sont aussi lourdes que le faix que l’homme porte ; Tu as voulu vaincre les malédictions Et tu fis pire mort qu’un corps mort de cloporte.