Quand l’enfant se blottit entre deux ronds de sein Parce qu’il sent venir un peu d’inquiétude, Il sait que sa mère a le soin et le dessein De l’embrasser avec force et mansuétude.
Maintenant, berger de mon troupeau qui s’affame, J’appelle un agneau et le mont renvoie le son De ma voix chevrotante et j’entends une femme Me dire qu’il est temps de changer de chanson.
Quand je m’exprimerai, le menton tremblotant Et que mon cœur battra une folle chamade, Je ferai couler dans mon gosier grelottant La brûlante liqueur qui sera ma pommade.
Quand mes yeux crèveront l’œil noir de ma nuit blanche Peuplée de loups hurlants et d’un monstre cruel J’essaierai de rêver aux messes du dimanche Dont je suivais avec entrain le rituel.
Quand la pitié aura remplacé la tendresse, Quand la détresse aura creusé et retourné Des champs de glaise où le blé jamais ne se dresse, Je serai englué dans un sol ajourné.
Quand s’étendra le temps du grand recensement Pour dresser le bilan du sang de mon artère, Je saurai quel mystère est cet encensement Qui fit la noblesse de mon long magistère.
Si ne vibre plus dans ma gorge un diamant Et si mon chien Rex ne mendie plus ma caresse, Je me séparerai de mon hardi amant Et je ferai venir la crasse et la paresse.
Quand les cordes rouillées railleront ma guitare Et qu’un pleur de peur bleue effraiera la cithare Enjouée d’Anne qui baissera son regard Vitreux d’émotion au chant de mon départ…
La vie me dira : « dis, je pars, il se fait tard. »