Ils ont clos la porte, les yeux et les fenêtres, La grille de l’entrée et la niche du chien. Il est un peu le mien et le tien et le sien Le destin des frangins qui sont mal dans leurs êtres.
La gifle a eu sa joue rouge de tête à claque Et s’est tellement plu qu’elle a recommencé Et lui n’a plus le qui, le quand, le comment c’est La main dans des cheveux drus qui crantent sans laque
Les mots durs ont eu son cœur de samaritaine Et sont restés ancrés à un fond oublié Sans jamais se noyer et c’est humilié Que le doux sentiment quitte la puritaine.
Les amours ont vieilli, ont trahi la tendresse Qui ne s’invite plus à l’heure du souper Et le dos incliné s’en va et vont couper Trois doigts l’herbe courbée que le vent fouette et dresse.
La télévision bleuit la nappe blanche Qui reste à déjeuner avec un bol de lait Et le beurre mou sur la tartine se plait A couler sur le cou quand tremblant il se penche
Yeux plissés, le frangin regarde la frangine A la poitrine molle aux bouts sur les genoux Il la repense à seize ans, seins pleins, sans gêne, où Fuyait de sa gorge l’audacieuse angine.
La frangine murmure une inaudible scie Apprise en colonie animée par l’abbé Dont le chant sacré, la poésie de Labé Viennent disait-il de Jésus qu’il remercie.
Le mot dur et la gifle ont gagné la bataille Mais la guerre n’a pas achevé ses combats ; Le genou a plié sans que le corps tomba Accroché qu’il était à l’ampleur de sa taille.
Il n’y a presque plus de rires, de caresses, Plus de cris, plus de pleurs qui se sont épuisés A donner le meilleur de leurs malheurs puisés A l’aune des péchés cultivant les paresses
Il n’y eut pas d’enfant, même pas une fille Ou un petit garçon dessinant la maison Qui laisse ouverte la porte à toute saison Pendant qu’entre un poussin sorti de sa coquille.
Ils ont des bouquets de fleurs pleins le cœur encore Qui peinent à éclore alors le sang s’endort… Ont-ils en corps une lueur à voir dehors Si sous le soleil tiède une pomme se dore ?
Clos fenêtres, porte et les yeux par précaution Ne s’ouvrent qu’à l’aube quand l’herbe se redresse ; La nappe blanche attend que la table se dresse Et l’espoir veut savoir s’il garde sa caution.
Le chat dort devant la brûlante cuisinière Et le chien jaune aboie le soir chez les Dubois ; Ils boivent de l’Arbois, une bûche de bois Est jetée dans le feu, ce sera la dernière.
Ils ont clos la porte, les yeux et les fenêtres, La grille de l’entrée et la niche du chien. Il est un peu le mien et le tien et le sien Le destin des frangins qui sont mal dans leurs êtres.