Où êtes-vous passés mes copains de bahut, Si souvent les premiers en gags et en chahut, Mais aux humanités raffinées dans l’étude Des fondamentaux qui chassent l’inquiétude ?
Rappelez-vous, les gars, comme l’on savait mordre Avant soixante-huit sans contrarier l’Ordre. Franches rivalités, belles complicités… C’était le temps béni des universités.
J’aimais bien vous écrire au début de l’année Et vous me répondiez sans langue surannée Jusqu’à l’inexorable et lente extinction De nos mots échangés, sans explication.
Jamais désespéré, hiver après hiver, J’attends l’appel : « Allô, as-tu vu le pivert Au nid supporté par l’écorce de ta branche Accrochée à ton tronc d’une façon peu franche ?
Où êtes-vous passés mes amis du passé ? Aimez-vous rigoler, chanter, boire et danser ? Avez-vous conservé ce bon goût de la fête ? Vous reste-t-il encore un cheveu sur la tête ?
N’êtes-vous que décor et déjà un peu morts, Enterrés sous les ors du temple du confort Bâti pour oublier la pâleur de l’église Qui prend des couleurs quand l’âme se mobilise ?
Nos automnes sont là et s’annonce le froid ; Les étés ont fané nos couronnes de roi Portées en l’honneur du vainqueur du pont d’Arcole.
Et si vous remettiez nos années à l’endroit ? Je serais moins enclin à redouter, je crois, De me souvenir, seul, de notre chère école.