J’entends chanter, parfois, allongé sous un chêne, Ou en foulant un champ, ou assis en rêvant, Une voix dont la foi extatique m’enchaîne A des plaines sans fin balayées par le vent.
Je la mets en lieu sûr dans un coin de ma tête Où logent voyelles, consonnes à plein temps Que je vais assembler avec un soin d’esthète Après un tri choisi durant assez longtemps.
Je tiens ma mélodie et un début de phrase : Un sujet inédit digne d’un amateur… Je rêve de Ronsard, de son art qui embrase Les cœurs pris par lui et son génie créateur.
J’emprisonne alors les mots dans mon dictaphone Qui s’enfuient pourquoi et comment : magiquement ! « Revenez, chéris, je n’ai pas de téléphone Et je sens déjà les affres du manquement. »
Le message est passé, j’en vois un qui s’approche : « Allez, pose-toi là, tranquille et sans bouger ; Je ne te ferai qu’un minuscule reproche, Car il me plaît aussi, souvent, de voyager… »
Les autres retournent de leur écourtée fugue Dont il sont conscients ; je commence l’appel ; Je les décline, les accorde et les conjugue Après avoir passé quelques uns au scalpel.
Quand l’un est compliqué, je l’épluche et l’épèle Puis place sous chacun, la note et le tempo ; Aucun ne me fait de remarque ou m’interpelle Et tous vont s’assembler en un joyeux troupeau
En se tenant serrés pour aller en balade ; Je les entends chanter, parler et discourir Pour mettre sur pied les beaux vers d’une ballade Que je suis par l’esprit sans marcher ni courir.