Vos
poèmes

J’ai laissé mon écharpe
Au cou d’un grand brigand
Mon ver blanc à la carpe
Ma femme à l’intrigant

Sa queue à la cerise
Le coeur à son émoi,
La jeunesse à sa crise
Et me suis laissé moi.

J’ai laissé bec et plume
Au cygne et au canard,
Le livre à son volume
Et son cor au panard

Ses deux cornes au diable
Et sa fourche à Satan
Qui quoique ange minable
Sait à quoi il s’attend.

J’ai laissé dans le flou
Et ma langue et mon âme
Pendues après un clou
Pour éviter un drame.

J’ai laissé mon Espagne,
Flamenco et châteaux,
Pour aller en campagne :
Coucher tôt, lever tôt.

J’ai laissé dans le monde
Des boissons en doublons
Autant brunes que blondes
Elevées au houblon,

Son rayon au soleil,
Ses larmes à la pluie
Mon orvet en sommeil
Dans ma jeunesse enfuie

Tout au fond de ma poche
Les cinq doigts de ma main
Et l’anguille sous roche
Dormir jusqu’à demain

Les forces de police
A leurs brutalités,
Monsieur de La Palice
A ses banalités ;

J’ai délaissé les Cieux
Avec le privilège
Que m’octroyait mon Dieu
Sans peur du sacrilège

Ainsi que l’Espérance
Partie en vieillissant
Revenue en enfance
Sous un sang jaillissant.

J’ai choisi de bons guides
Dont l’esprit est devin
Et pourtant j’ai des rides
Que j’ai laissées, en vain.

J’ai laissé une rose
Qui s’offrait à ma main
Et mon vers devint prose
Pour me faire rougir.