Je pleure hier et les prières de ma mère Le baquet à ras d’eau le savon en copeaux Qui lessive après les linges nos pauvres peaux Remplies de bobos que l’épiderme énumère
Je pleure les grâces les benedicite Le lit que vient border en m’embrassant maman Mon ange que je vois brillant au firmament Et ma sagesse que l’Eternel félicite
Je pleure hier et les cent chants de mon enfance Les marches sous la pluie dans mon habit de scout Le tissu recousu qui en a su le coût Le rire de celui qui vit dans la souffrance
Je pleure mes printemps passés au vent d’automne Des étés en janvier qui vont jusqu’au mois d’août Et les hivers toujours depuis longtemps plus doux S’en remettent à Dieu qui des ses cieux s’étonne
Je pleure hier et les leçons de la maîtresse Les devoirs et les droits mais surtout les devoirs Qui nous disent d’aller parés de nos savoirs Sur la déserte allée de la forêt traîtresse
Je pleure la mare aux têtards avec la glace Dont elle se couvre l’hiver pour maintenir Grenouilles et crapauds qu’elle peut contenir En sécurité dans l’étendue de sa place
Je pleure hier et le peu de roues dans la rue Mais des raquettes des ballons et des patins Que regardent les soirs et parfois les matins En même temps qu’ils voient passer bœuf et charrue
Je pleure le peintre sur son échafaudage Calot sur la tête et aux lèvres la chanson Oh mon sol est mis haut lui qui se lâche en son Nouveau pays charmé par son marivaudage
Je pleure hier la noire ardoise et la craie blanche La blouse grise et les fers cloués aux souliers Qui nous mènent là où sont posés les bouliers Pour compter chaque fibre et veine d’une planche
Je pleure enfin le jour venu de la naissance Fêtée dans les foyers de l’Enfant espéré Sauveur d’humanité mais qui n’a prospéré Qu’après que la terre en a fait la connaissance
Je pleure hier Duval le curé guitariste Réveillé par youtube après s’être couché Dans la poussière où sa mère avait accouché Sans savoir qu’il serait un jour séminariste
Je ne pleure pas cet absurde Noël père Incendié par Kir à Dijon sur un toit Et je pleure Dieu-vous au moderne Dieu-toi Sorti par icelui qui perdit son repère.
Je ne peux plus pleurer je n’ai plus une larme Dans le puits qu’ont creusé les sentiments vieillis Que je vais remplir à nouveau dans mon treillis De lutteur pour la vie avec je sais quelle arme.