Si tu marches sans hâte aussi mal qu’un gamin En traversant le pont qui enjambe l'abîme Si viennent les détours, fermement tiens ma main, Sois mieux qu’un long bâton qui jamais ne s’abîme.
Si ta vue devient floue en scrutant loin les cieux Voilée par l’épaisseur des brumes égarées ; Si tu crois bien en moi, suis de très près mes yeux, Sois mieux qu’un gros bateau qui sait tout des marées.
Si ton angoisse est due aux fourbes animaux Pénétrant dans ton cœur avec désinvolture ; Si leur morsure est sûre évoquée à mi-mots Sois mieux que ces bestiaux méprisant la droiture.
Si tu es piégée par les chaleurs d’été Au milieu d’un boisseau qui fane et se dessèche ; Si tu veux t'abreuver jusqu’à satiété, Sois mieux que ce ruisseau à l'éternelle eau fraîche.
Si tu sens qu’il est temps au bord du parapet D’avouer ton effroi de n’avoir plus d’envie ; Si tu croises Satan, ne change pas d’aspect : Sois aussi bien que Dieu qui tant aime la Vie.