Une promenade à la campagne à l’aurore Avec dans ma main la main de mon petit-fils Pendant que dans l’air clair la brume s’évapore Et que l’araignée en rosée tisse ses fils
Un corbeau croasse et s’en va un merle chante Des fleurs jaunes teintent l’herbe verte des champs Un coup de vent avec sa grande aile méchante Blesse à mort une blanche écorce en l’arrachant
L’homme en devenir qui me tient la main s’agite Et ici et là me tire à hue et à dia Son corps en entier par tous les sens ingurgite Ce qui n’est pas dans le potager des média
Tout voir tout savoir oh pourquoi c’est l’anémone Qui porte le prénom d’une fille d’Estaing Pourquoi ces pétales de bleuets font l’aumône A ces épis de blé penchés vers leur destin
Dis papy alors que moi j’avais un grand-père Comment s’appelle cet arbre au tronc rectiligne Pareil que son suivant qui paraît un compère Acceptant d’être avec lui sur la même ligne
Je précise qu’il n’est pas l’auteur de la phrase Que je viens d’écrire avec des mots inconnus A ce quart de moi qui à septante ans m’embrase Sous des ciels flamboyant sur des coteaux cornus
Je me remémore mes années de scoutisme Où le frère Jaccard et Henri Faucompré M’ont appris sans que j’en sentisse un traumatisme La différence entre un champ de blés et un pré
Entre la feuille d’un peuplier et d’un chêne Entre le cerf porteur de bois et le chamois Entre l’esprit et la matière qui enchaîne Toutes les petites joies qui croissent en moi
Oui, ces deux pauvres m’ont appris ce qu’être riche En me parlant en Grec ancien et en Latin Et m’ont expliqué que si vide est la bourriche Dieu le sait et envoie du gibier qui l’atteint
Mon quart de moi n’a pas en corps l’intelligence Qui fait grandir jusqu’à la cime des sommets En choisissant chaque prise avec l’exigence Du poète dont les vers font de beaux sonnets
De ma hauteur je le contemple et le domine Comme Granada sous la sierra Nevada Mais la ville andalouse a une vitamine Telle qu’aucun de là un jour ne s’évada
Le Mulhacén à neige éternelle impressionne En apportant et la force et le réconfort Et l’habitant à son pied ne se soumissionne Puisqu’en symbiose avec son corps il se sent fort
Ainsi pour mon petit je suis une montagne Qui voit tout qui sait tout et qui parle Latin Qui peut grimper sur le Mulhacén en Espagne Et sur les monts romains Aventin Palatin
Il visera peut-être aussi le mont Olympe Quand il saura parler le grec avec les Dieux Qui lui diront encore un effort vas-y grimpe En allumant de blancs-bleus éclairs radieux
Quand il arrivera auréolé de gloire Il serrera la main de ses nouveaux copains Puis parleront de Saint-Céré et de Magloire De l’abbé de même nom et d’amis de pains
Oui, car les Dieux savent descendre du nuage Et se tapent comme nous des rigolethons Qui durent des nuits et sous la cloche à fromage Les Brie se sont enfuis nourrir les gueuletons
Je renfile le fil sorti de son aiguille Pour recoudre les Dieux avec mon petit-fils Unis ainsi que biche-faon, civelle-anguille Qui ont les quoiqu’on en dise mêmes profils
Ils parleront de lys, de thym, de violette De prières sacrées portées par les grands chants Du yogev du bresse bleu de la mimolette Et du chèvre aimé frais par les sœurs de Grandchamp
Ils riront à gorge déployée de la viande Subterfuge employé pour cacher l’animal Courant dans la basse-cour sans télécommande Qui finira tué quoi que de plus normal
Si c’est le pire que nous savons de Marseille Mon descendant le sait déjà depuis longtemps Mais mes dieux s’il revient du ciel je lui conseille De s’ensuisser à Berne et je mourrai content
Pour le moment je le mène vers son destin Et ma libre main lui indique une jacinthe Se prénommant comme une autre fille d’Estaing Dont la mère Anémone est la fleur déjà sainte
Il entend les hou-hou les glouglous les coucous Et emplit ses poumons des parfums de la brise Puis plaquant sa main sur mes yeux me fait coucou C’est moi rentrons vite dis car l’air vif me brise
D’accord si tu veux on verra Raymond Jaccard Dans une vidéo bien filmée sur youtube C’était l’aumônier scout dont je ne suis qu’un quart Qui fait taire celui qui déconne à plein tube
Et si je suis aussi trivial qu’aujourd’hui C’est pour que tu prennes très vite conscience Que le mot laid n’est rien si la vie se conduit Quand le cœur et l’esprit unissent leur science
Tu as vu la vache dans un champ le crapaud Que tu ne connais pas ressemble à la grenouille Dont la peau est dans l’eau comme flotte un drapeau Dans le pur azur sous lequel je m’agenouille
Ce drapeau est celui qui élève l’esprit Et abaisse sans cesse une inerte matière Attirée par celui qui se trompa et prit Le royaume des cieux pour un trou de ratière
Grandir n’est pas à la portée de tous hélas Qui n’ont pas eu la main dans la main d’un doux dingue Sachant discriminer muscat et chasselas Quand s’empoisonne un in avec une seringue
Paradoxalement le grand est ce petit Qui rase les murs blancs pour se fondre dans l’ombre Qui résiste au oui même assoiffé d’appétit Si le mets présenté est issu d’un décombre
Paradoxalement le petit est ce grand Qui n’a pas de sa veste au revers de médailles Mais comme ces enfants du capitaine Grant Accepte humblement de conduire des batailles
Grand le petit devient le petit grand devient Quand ils savent enfin ce qu’est la transcendance Qui dépasse l’humain mieux que ce chien qui vient Lécher sa main malgré sa lupine ascendance
Dahlias giroflées hortensias glaïeuls Ne nous voient pas car ils ont le pétale aveugle Les mammouths les bisons les coqs ont des aïeuls Percevant qu’un bœuf beugle et qu’une vache meugle
Dis tu as raison petit-fils il est midi Rentrons à la maison me saisit le délire Du vieillard qui a ri avec l’ami sidi Un seigneur algérien au vif désir de lire
Pour tout voir tout savoir ce qu’il ne saura pas Dans le dictionnaire ou l’encyclopédie Oui j’ai vu et su et lu pendant mes repas Et ce que j’ai reçu je le réexpédie
Je le rejette vers le mystère éternel Qui fait mourir le ver de terre et mourir l’homme Mais Dieu Père des cieux et son fils fraternel Dénouent les fils d’enfer dont l’aiguille est à Rome
Dis papy alors que moi j’avais un grand-père Je n’ai pas tout compris mets-nous Raymond Jaccard - D’accord nous voici chez nous plan-plan bien pépère J’espère que pourra te plaire au moins le quart.
S’ensuisser : Vivre en Suisse : néologisme In : Anglicisme (par opposition à out)