Je ne veux pas être cet humain qu’on regarde Aussi banalement qu’un quidam pâle aimant Son crâne dégarni et sa figure hagarde Au teint aussi blanc qu’un Suisse du lac Léman.
Moi, je suis farfelu, improbable et fantasque Et l’on ne verra pas quelqu’un me ressembler Car, je porte, on le sait, moustache et béret basque, Mon bébé dans le dos et le tout sans trembler.
D’avoir été loupé fut une grande chance Même si perçaient mes boutons de puberté ; J’ai découpé avec effort et en constance En tronçons la laideur poussée en liberté ;
Est-ce la beauté par une bonté suspecte Qui me permit le vol du coffre bien rempli D’un casino royal qu’Anne-Lise respecte Minée le lundi du souci de mise en pli.
Ainsi milliardaire et quoi que l’on en dise, Je fuis au Sri Lanka pays dont l’excellent Thé vert se suçote comme une friandise Dont la reine affirme qu’il est de l’ex-Ceylan.
Du beau monde rit car j’amuse du beau monde En donnant la journée un numéro rodé Où j’endosse sans gêne un vêtement immonde Devant le chatoiement d’or de soieries brodé.
Et l’on me donne à boire, on me prend par l’épaule : « Dis, ami Yohanân, rouge du thé brûlant, Raconte-nous comment tu as connu la Paule Qui t’abandonna pour un marchand ambulant ?
Alors, pour mille et cent fois, ma langue improvise Une incroyable histoire à laquelle (je crois) Chacun adhère ainsi qu’un ver à la trévise Ou un clou à la main de Jésus sur la croix.
Et plus le récit se noircit et s’enjolive De cris, de pics, de bris de glace et de grigris Et plus je suis pris pour Popeye sans Olive Qui combat à lui seul cent mille esprits aigris.
Me glissent deux doigts dans ma poche, une roupie : - Continue ; comment es-tu venu à Kandy ? « Après avoir mangé rat et bu eau croupie J’avais envie d’un thé vert sucré au Candy. »
Incroyable… (Rires) moi, vois-tu, je suis d’Inde, - Me dit la superbe fille au front tatoué Dans un Français parfait - et sans être une dinde Je me laisse plumer par un homme doué.
Le gotha Sri Lankais d’applaudir et bien pire De moquer ma blancheur dans mes habits troués Que pas un ne voudrait porter pour un empire Par peur de se voir par leur caste rabroués.
Ma narration, ma tenue vestimentaire Sont des aimants puissants attirant l’anxieux Croyant que si une pierre est sédimentaire L’humain doit s’adapter afin de plaire aux Cieux
En – ironiquement – riant d’un anarchiste Qui trouble le corpus établi par la Loi Humano-divine où l’élément fétichiste Est pour qui croit une Foi de fort bon aloi.
Si ces gens d’ornement me savaient plus que riche, Auraient-ils envers moi de si larges égards ? Je m’en fiche ; je triche et tant mieux si je triche : Sur mon unicité convergent les regards.