Dans son pantalon bleu qu’une ficelle tient Sur ses sabots terreux et sa veste éternelle Plissant son dos voûté tout son passé contient Le cheminement de sa source originelle
Il ne pense pas à de brochet la quenelle Car l’étang avec ses tanches lui appartient Et son chien de berger à l’âme fraternelle Lui mangeant dans la main en forme le maintient
L’aube le voit passer sur le sentier herbeux Pour aller enchanté sur son champ où sa vache Paît en tranquillité au milieu de deux bœufs Et d’un cheval de trait qu’il mène sans cravache
Il manie vers midi du bois avec sa hache Puis descend vers l’étang sur le chemin bourbeux Et c’est au moment où il frise sa moustache Qu’une myrtille naît sur l'espace tourbeux
Il ne sait pas s’il va rentrer pour déjeuner Car des jeux imprévus s’offrent à son sourire Et hui comme hier il va sans doute jeûner Sans se soucier de la frite acceptant de frire
Le soir dans sa masure il sait qu’il a mené Sa journée dans la paix qu’il aimerait décrire A celui qui à son travail est surmené Et qui va se faire une ordonnance prescrire
Dans son Jura il va rêver de Saint-Amour La nuit durant qui le voit dormir à Chazelle Où ses parents virent l’aurore au premier jour Né avec la candeur d’un cœur frais de gazelle
Il appelle la mort la chère demoiselle Seule comme lui qui ne put faire la cour A celle qu’il aurait aimée avec ce zèle Appartenant à ceux craignant un non-retour
Ses amis sont la pluie le soleil et le vent Le givre et le gel et les tombereaux de neige Enfouissant bois étang dès l’Avent et souvent Présente autant chez lui qu’au sommet de la Meije
Toutes ses bêtes ne disent jamais que n’ai-je Un endroit où l'air franc donne un chant plus fervent Au bruant des roseaux à la robe mi-beige Qu’aimerait porter la sœur aînée d’un couvent
Jules n’a pas d’argent et rien n'en sait son chien Mais son coffre fort d’or est dans son temps de vivre Qui fut lui aussi jeune et qui devient ancien Avec quelques grains fins sur la tête de givre
Le touriste averti s’ahurit dans un livre Qu’il existe au moins un type sans un lien Avec la vile ville où s’avilie l’air ivre De puiser au tréfonds du poumon francilien
Monsieur Bolomier qui êtes-vous pour rester A Chazelle écartée de Saint-Amour la belle Où vous êtes allé juste pour la tester Avant de revenir avec l’âme rebelle.
Monsieur Bolomier qui aimez la mirabelle Accrochée à sa branche afin de la lester Vous voyez la chiper l'alerte colombelle Sans que bouche bée vous n’arrivez à pester
Mirabelliers pommiers posés dans le verger Entre les cerisiers les pruniers à chair blonde Savent se garder seuls sans l'aide d’un berger Mais pleurent si l’effleure une aile vagabonde
Etes-vous le berger du peuple qui abonde Dans votre pré-carré qui se fait héberger Par des sérénités naviguant sur une onde Si porteuse qu’il ne le laisse s’immerger
Dans son pantalon bleu est un heureux chrétien Qui avec bœufs vache et chien assiste à la messe Dans sa veste éternelle élimée qui détient Tous les secrets divins qui tinrent leur promesse
Il ne veut pas du vin qu’on gagne à la kermesse Car ne n'est pas l'amour du gain qui le retient Son cou n’est pas contraint par un foulard hermesse Mais il lit avec soin l’épître au Corinthien.