L’avenue ne semblait pas se souvenir que Son vieux papa était un sentier qui savait Croquenots et sabots, souliers ferrés et queue Des vaches qui chassait la mouche et le lavait
Après le pâté chaud et tout fumant de bouse Propre à le décorer et à le parfumer Que n’envient pas le parc, le jardin, la pelouse Qui se font encrotter tout autant qu’enfumer.
Le brave toutou-chien, la bonne cigarette Etaient aussi connus du bon long layon blond Qui supportait les roues tordues de la charrette Et l’écrasement des cailloux par l’étalon
Qui perdait l’équilibre et glissait dans l’eau fraîche Dont le filet suivait dans un creux le chemin Mais sa patte cornée devenait vite sèche Et reprenait son train guidé par son humain.
L’humble voie vicinale était souvent souffrante Et ne soufflait qu’après les passagers passés Sur son dos bosselé mais se savait mourante Et se pressait d’aller baiser les trépassés ;
Pourtant, elle jouait en joie avec madame La pluie divine qui la nettoyait bien mieux Que la queue du bovin dont les minima d’âme Se voyaient très peu aux yeux de Dieu dans les cieux.
Elle se délectait du vent fou qui balaie Ses abonnés ou ses usagers obligés (Feuilles, marrons tombés) qui furent une plaie Par les calvaires qu’il lui ont tant infligés.
Avant de quitter son sol, le sentier retrace Sa vie où il prit bien de monde sur son dos, De végétaux et de minéraux dont la trace S’est perdue avec les beaux sabots des bardots,
Les roues en bois d’ormeau, d’acacia et de frêne, Les pas des godillots, la frappe des bâtons, Les ongles des bovins en troupeau que seul freine Le vacher qui soigne ses petits ripatons.
Ereinté, cabossé, troué, sa sénescence Le condamne à être perforé, raboté Et il pense en pleurant au jour de sa naissance Où ses cotés peuplés saluaient sa beauté.
Son destin est scellé par chaque arme mortelle Et de fil en aiguille, une fillette naît Aux épaules déjà larges, la force telle Que le gotha saura de qui elle tenait.
Le père est enterré sous des mètres de terre Et sa gamine a dit « je choisirai mon nom ! Mon dos parfaitement lisse a du caractère Et saura dire aussi oui de même que non.
Les passagers triés ont fêté la venue De la reine en succès au décès du sentier Qui se fit baptiser fièrement « l’avenue » Et offrit son tracé en partie, en entier.