Prisonnier pendant trop de temps il s’évada Et se crut au pied de la sierra Nevada Mais s’étonna de la montagne de marne ocre Ruisselant de cailloux blancs sur son sol médiocre.
Le rocher attaqué par l’épineuse ronce Ressemble à un crâne chauve de pierre-ponce. Pourtant, ces éléments qui se meuvent sans eau Ne sont pas captés par les barreaux d’un zoo.
Un soleil malappris darde ses longs rayons Pour tuer l’ombre où sont allongés deux lions Accablés, haletants, le regard qui s’oblige A rester vigilant quand la chaleur afflige.
Le lézard, avec art, tient une patte en l’air Afin d’éviter la brûlure de sa chair Et cherche une goutte de vent, juste une larme En tendant son cou vert pour lui faire du charme.
Un reste de gazelle attire le vautour ; De lui, la hyène et le chacal sont autour. (Ici, depuis longtemps, les tendres pâquerettes Ont migré dans les champs où paissent les chevrettes)
Quelques touffes roussies engoncées dans le sable Se piquent de dire au cactus insaisissable De partager son eau avec le grand chameau Qui ne saura jamais les joies de l’esquimau.
Ce squelette fut un bel arbre d’os en bois Qui, malgré le genou du vent, veut rester droit. L’oiseau siffleur couleur de fleur, l’abeille orange N’habitent pas ce monde en prise avec l’étrange.
Pendant quarante années, Moïse, décoiffé, A prié à genoux pour son peuple assoiffé ; Si pouvait exister une Moïse-femme Pour humidifier les replis de nôtre âme !
Elle pourrait donner à boire à volonté Aux désireux d’un peu de larmes de bonté Enfermés librement dans leur désert immense, Ce zoo sans barreaux mais aussi sans semence,
Saupoudré d’oasis remplies avec de l’eau Qui se distribue dans des flacons au goulot Etroit comme un roseau dressé droit dans la mare Où s’abreuvent ceux qui ne tiennent plus l’amarre.
Le captif, lui, s’enfuit en laissant la bravade Se battre avec la nuit pour s’aller éponger Sa soif de liberté, de bonté ; il s’évade Après que les années lui dirent d’y songer.