La beauté prend parfois un chemin qui déroute Sans craindre de ramper au fond des souterrains Et sous ma croûte elle a de quoi casser la croûte : Estomac, intestins, foie, pancréas et reins.
Un médecin zélé en eut la connaissance Le jour où j’avalai une cuillère en or ; Ils coupa les liens qui m’enfermaient la panse Et plongea doigts et mains pour saisir le trésor.
Et il s’extasia : Mon Dieu, quelle merveille ! Cet objet rencontré s’est si bien marié Dans l’écrin velouté avec le sang qui veille A se déplacer sans être contrarié
A travers un palais cossu et confortable Où chaque pièce offre les plus beaux avantages D’ordre, d’agencement ; même le périssable A été programmé pour faire ses bagages.
(Et il remarqua sous les salles de massage Un outil amusant au fort tempérament Capable d’adresser de visu le message Qu’il est aussi fringant et dur qu’un diamant.)
L’ustensile sortit du temple émerveillé D’avoir connu un monde où s’écoulent les heures Dans la chaleur, le luxe en restant éveillé Avant de revoir les laideurs extérieures.
Adieu palais de plis, de coins et d’oubliettes Où l’on s’épanouit sans être importuné Au sein d’un personnel étranger aux diètes Grassement dévoué au client fortuné.
Et le royal métal redeviendra l’esclave Des aliments, des dents, des langues, des palais Tous réunis autour d’une table en conclave A élire un vin blanc ou un durian malais.
Ah ! S’il n’avait été que bronze, fer ou cuivre Aucun n’aurait eu un pauvre regard pour lui Et personne n’aurait imaginé le suivre Dans une cavité où seule la nuit luit.
Pourtant, les mines d’or ont germé dans la terre Et une pépite a crû puis touché les cieux En devenant l’astre solaire solitaire Qui, comme la cuillère est aussi précieux.