La fleur est une rose et une primevère, Un lys aussi, une tulipe, un géranium Exquisément mise en avant par le trouvère Qui loua le pavot à travers son opium.
La fleur est une gesse et une bergénie, Un buis aussi, une jacinthe, un framboisier Elaborée par les petits doigts d’un génie Qui fit également les paniers en osier.
La fleur est une fille, une femme, une reine S’offrant à tous les gueux et qui se cherche un roi Créé à son image à partir d’une graine Qu’il suffit d’arroser pour qu’elle pousse droit.
La senteur de la fleur se respire, se hume En longueur, sans mot dire et son parfum si fin Contrarie l’âcre odeur de la brume qui fume En nappe épaisse sur la tombe du défunt.
Bien des fleurs ont des sœurs, hélas, ne sentant rien Mais qui sont si jolies que l’oeil les apprécie, Qu’il soit au Dieu des cieux ou au simple terrien Dont le cœur ouvert en secret les remercie.
La douleur de la fleur arrive par sa tige Quand une sotte main l’arrache du terrain Où elle grandit dans la peur bleue du vertige Qu’éprouve le jasmin sous l’arbre souverain.
La beauté peut tuer, à cause d’elle, on tue Et un air parfumé tire les vers du nez ; Afin d’être admirée, la fleur se prostitue Auprès du monde entier sur elle agglutiné.
Pauvre marguerite et pauvrette pâquerette Voisines du bouton jaune du pissenlit Dont la vie finira dans une vinaigrette, Méfiez-vous des fous amateurs de chienlit.
Ne soyez belles qu’à l’aurore où la rosée Met vos féminités dans un drôle d’état Et restez à l’écart d’une tendresse osée A vous attirer par un acte d’attentat.
Ô séductrice fleur, orgueilleuse et candide Qui embellissez les bosquets et les jardins, Essayez autour de vous de faire le vide
Car certains mondains sont des Guerlain, des Cardin Ou des vilains voulant perpétrer un massacre Pendant qu’aux cieux, un Dieu vous bénit et vous sacre.