Qui me cheville au corps, dites, qui me cheville A part la foi du charbonnier Qui me préserve de grogner Quand un temps mort m’étend ou me recroqueville ?
Qui me fait croître et attraper la vérité Toujours si difficile à prendre Et qui est d’accord pour se rendre A l’esprit sain qui n’aura pas démérité ?
Qui m’interdit de dire et m’autorise à taire Le génie que le poète eut A montrer sous son front têtu Qu’il a la tête en l’air et les pieds sur la terre ?
Qui s’accordera de me faire la leçon De choses, de bouquets de roses De belles rimes et de proses Partagées par l’oiseau qui apporte le son ?
Je ne veux rien savoir, je ne veux rien connaître Ni même surtout rien toucher Mais m’allonger et me coucher, M’endormir, oublier, me réveiller, renaître !
Et ne vouloir par voir et croire sans douter Que la chair est liée à l’âme Qui de grâce et chaleur se pâme Tant et si bien que je n’ai rien à redouter.
Quand dans mon crâne ont crû de drôles de pensées Qui viennent à un chemineau Marchant sans le chant d’un moineau J’ai interrogé un souci et deux pensées :
Sauvages fleurs venues égayer mon chemin, Croyez-vous que la terre est ronde, Que la pluie tombe quand Dieu gronde Le nuage qui fait de l’ombre au genre humain ?
Comment avez-vous fait pour avoir une tige, Un pétale aux tendres couleurs Et sans doute pas de douleurs Attrapées par les grands éprouvant le vertige ?
Qui m’entame l’âme, dites, qui me l’entame Avec la lame d’un couteau Usée pour ouvrir un tourteau Et pouvant percer la peau de l’hippopotame ?
Qui me travaille au corps, dites, qui me travaille Aussi durement que l’hiver L’écrasement de l’univers A part la Foi qui me soutient vaille que vaille ?