C’est un enfant gai, à la joue trop blanche, Aux ongles en deuil, aux yeux charbonneux, Roulant dans la rue, debout sur sa planche En se moquant des regards vénéneux.
Agile et hardi, il fonce et zigzague, Monte le trottoir, frôle les passants Et s’arrête quand son engin divague Ou que son talent va en décroissant.
Une fille riche a vu son manège Et entreprend la conversation : « Le soleil est là, mais aux jours de neige Créeras-tu autant de sensation ? »
Voudrais-tu quatre roues sur un châssis Pour remplacer ta planchette à roulette ? Tu pourrais conduire et rester assis Sans crainte d’être roulé en boulette…
Je t’offre aussi si tu veux un savon Des habits griffés, de la nourriture Car chez les Bourgeois, au moins nous savons Qu’il n’est pas pire que la pourriture.
Mais qu’as-tu au col de ton vieux blouson ? - J’ai cueilli une pervenche, dimanche ; Nous, les indigents, c’est vrai, nous causons Peu et nous n’osons pas faire la manche ;
J’accepte le don de ton véhicule Et je t’offre ma fleur bleue de printemps ; - Oh, merci ! Je sens que ma vésicule Se fait moins de bile en un rien de temps.
C’est avec joie que je l’accrocherai Au revers de mon corsage en dentelle ; Maintenant, voudrais-tu te rapprocher Pour danser avec moi la tarentelle ?