La lame effilée a tranché la gorge Pendant que le George égrène son orge En écoutant la voix du journaleux Relater combien ce fait scandaleux Ne peut être que l’acte d’un galeux Ou d’un nostalgique amateur de forge.
Son voisin Justin et sa femme Jeanne Tuent mouton, brebis, chèvre, poule et âne Et en saison, ce gros porc de cochon Nourrira leur fils au front pâlichon Surmontant un torse un peu maigrichon Pareil que celui d’un toxicomane.
Justin et Jeanne tiennent une ferme Et si tu parles, ils disent « la ferme ! » Nous, si on met à mort c’est pour manger Et personne ne pourra nous changer Puisque personne ne court de danger ; On tranche à coup sûr, épiderme et derme Et la lame est saine et vierge de germe.
George connaît bien ce couple exemplaire Qui ne veut ni plaire – oh non ! – ni déplaire ; Vite, un coup sec et on coupe le cou Et le sang gicle – un petit peu – beaucoup ! (Mais ça ne sent pas un pet de coucou D’ailleurs leur chien ne sait pas ce qu’il flaire.)
D’accord, ce gros porc de cochon, lui, crie ; Justin veut qu’il souffre et non pas qu’il rie ; Le tué a le tout d’un nouveau né Effrayé d’être déjà condamné Au mal qui pend à ses deux trous de nez Comme Jeanne qui a mal et qui prie :
« Oh ! l’accouchement dans cette souffrance M’a donné le goût de la délivrance ; La vie et la mort sont sœurs de douleur ; Naître et mourir ont la même couleur Des yeux embués voilés par le pleur Et hurler est un signe d’espérance !
La lame a ouvert la gorge du prêtre ; Le cri a jailli : je finis par être Devant toi mon Dieu qui as tant souffert Mais qui as brisé les fers de l’enfer Et ton cri – comme le mien - fut offert Aux cœurs perdus dans lesquels il pénètre. »