Je l’ai connu vivant avant ses dix-huit ans Et ce jour de printemps, le voici nous quittant A l’aube où la rosée transpire ; Je l’ai relu avant-hier une énième fois Et j’ai redécouvert l’esprit de grande foi Qui le parfum divin respire
Quelques uns dont ma mère auront un peu connu Cette écriture qui le dessine mi-nu Avec une pudeur extrême Et quand on le voyait seul assis sur un banc Le nez dans ses carnets de l’aube au soir tombant Il semblait toujours en carême
Il est parti car Dieu l’a rappelé à lui Avant midi où un soleil jaune-or a lui Et le voici dans un nuage ; Je ne l’ai pas cherché et le ciel n’est ouvert Qu’au vers couché par un poète encore vert Qui n’a bu qu’un petit breuvage
Oh ! Je dois accepter de Dieu la volonté Qui a bien décidé dans sa grande bonté De le retirer de ce monde Comme il reprend la vie du rat pris dans des rets Signifiant qu’il met toute marche aux arrêts Et même l’eau claire et son onde.
Ses amis n’étaient pas si nombreux mais chez Dieu Il rencontrera des visages radieux Au milieu d’ailes blanches d’ange Et il dansera plus qu’il n’a jamais dansé Avec Marie, Madeleine, un bon condensé Des jolies grappes qu’on vendange.
Sur terre, ce jeune homme effacé à souffert En ouvrant tout en grand son cœur qui s’est offert A un petite poignée D’amateurs disposés à le considérer Autrement que celui qui tient à sidérer Par une écriture éloignée
De la réalité les lecteurs assidus A Boileau, à Hugo, nets, clairs, sans résidus Dans leur poésie somptueuse ; Oh ! Jeune homme imparfait où le présent passait Dans la conjugaison du verbe où trépassait Le spectre affreux de la tueuse…
Te voici tant mort et plus vivant que jamais Car ce que tu faisais, humblement, le l’aimais Et chaque jour, je le picore ; A dix-huit ans, tu vis près de Dieu désormais Et tu vaudras pour lui bien plus que des ors mais Dans mes nuits je te lis encore.