Une orange est pelée, disséquée : D’emblée, je lui prends Quatre quartiers pour une becquée Et je me surprends A laisser tous les autres en place Déjà convoités Par deux enfants de la populace Qui sont exploités Par la mère, le père (aussi maire) D’un joli hameau A l’âme un peu rugueuse et primaire Doté d’un chameau Dont les petits s’occupent dès l’aube Jusqu’au soir couchant Quand passe la nuit sa noire robe D’un geste touchant Sur le maigre corps de ces deux gosses Qui croit que du lait Est conservé dans l’une des bosses Tiède-aigrelet Et ils rêvent de dire au colosse : Peux-tu faire voir Une partie même pas très grosse Qu’on pourrait avoir Et dorment au pis de la mamelle De ce beau chameau Qui est une belle et vraie chamelle Venue au hameau En vacances un vingt-cinq décembre Le jour où l’Enfant Né de parents de Meuse et de Sambre Vit un éléphant, Un bœuf, un âne au dos plein d’oranges Lui offrir le fruit Si juteux qu’il se donne à des anges Volant sans un bruit Que j’ai pris sans vouloir faire offense Aux bons animaux Et ces gamins qui sont sans défense N’ont pas dit deux mots Mais ils ont vu les quartiers d’agrume Restant à manger Et mon cœur de bruine et de brume Sentit le danger Quand bœuf, chameau, grand éléphant, âne, Dirent au soleil D’entrer dans mon organe profane Qui devint vermeil, Plus rouge que le jus des oranges Coupées par quartier Et j’ai laissé à ces bambins-anges Une part d’entier.