Les marécages ont des myrtilles exquises Impossible à trouver dans les blanches banquises Si violettes que les cieux bleus envieux Deviennent laiteux quand le temps est pluvieux
La baie sauvage se nourrit de terre humide, A l’écart, comme une jeune fille timide Et se laisse approcher par des pas valeureux N’évoluant pas dans bois, plaine ou val heureux
Car son sol est d’une texture spongieuse Qui reçoit de façon quasi religieuse Le passant qu’il supplie d’avancer avec soin Pour obtenir le fruit dont il sent le besoin.
Et si celui-ci veut l’aborder en athée D’une marche qu’il aura ratée car hâtée A cause d’un soulier qui s’est trop enfoncé Dans l’éponge gorgée d’une eau gris-bleu foncé
Ou dont les pieds seront tombés dans un gros trou Il aura mis à jour la tourbière brun-roux Qui naguère activait le feu de la chaumière Après avoir été séchée sous la lumière.
Mais, s’il a du respect pour la paix du marais Dont la vie cinq cents mille ans – avant - démarrait, Il s’acheminera vers ces belles airelles Acoquinées avec les cirses et les prêles
Qu’il détachera en modeste quantité De l’arbuste fier de sa vieille identité Accordant au cueilleur la rondeur de ses filles Accrochées à ses pieds ; adieu, jolies myrtilles…
Quand il aura fini, il rentrera chez lui Montrer à son petit dont le clair regard luit, Le fruit cueilli à cuire en tarte, en confiture, Un luxe adoubé par l’art de la nourriture.