Ils sont rassemblés pour une révolte En une armée de deux cents combattants Qui trépigne sous un ciel éclatant Dont cent paysans privés de récolte Et un gringalet qui, muet, attend.
Chacun éructe en exhibant sa langue Chargée de vin rouge et de soupe aux choux, La joue flasque aussi qu’un vieux caoutchouc Et voilà qu’un gars titubant harangue La foule en beuglant « on veut des cachous » !
Puis un chapeauté : les grands, qu’on les pende ! Un autre reprend : pendus, haut et court ! Pas de long procès, donc pas de recours ! Que la nouvelle partout se répande : Je suis le juge et vous êtes la cour !
Mais, le maigrelet soulève l’index : On peut éviter l’insulte et l’outrance Dans ce beau pays où naquit la France Créateur de lois : dura lex sed lex Et un formidable élan d’espérance !
Le soûlographe dit : n’écoutez pas ! Vous, les paysans courbés sur la terre, Vous, les artisans au travail austère, Sautant ci et là, un maigre repas, Claquez-lui les dents pour le faire taire !
Venez avec moi, allons tous ensemble Faire enfin la vraie révolution Qui apportera la solution Au peuple qui sait, quand il se rassemble, Agir sans gants et sans précaution.
« La peau sur les os » dit : je vous en prie Gardons notre bon sens et la raison Sans prêter l’oreille à cette oraison Qui met la tête dans la griserie Et rentrons chacun dans notre maison
Où la mère entoure un beau brin de thym De persil et de laurier pour la soupe Avec l’échalote et l’ail qu’elle coupe En disant, riant : ça rosit le teint Et mes yeux n’ont pas besoin d’une loupe !
Elle épluchera deux pommes de terre, Une carotte, un navet violet Et le riz sera un dessert au lait Savouré surtout par le prolétaire Qui cueille en forêt rosés et bolets.
Dites, mes amis, si on reste ici, On ne pourra pas sentir la cuisine, Le bois qui brûle et pleure sa résine Et entendre dire : enfin, te voici, Je m’apprêtais à lire un magazine…