Le veilleur de nuit espère le jour Qui n’en finit pas de tirer sa flemme Et il ne sait pas s’il balaie la cour A Jeanne qui lui redit qu’elle l’aime
Car la malheureuse a si peur du noir Que ses volets sont ouverts à la lune Au halo blafard et pour mieux y voir, Elle allume une lumière commune
Contenue dans une ampoule au plafond Que Jean, son mari, changea en l’an trente Et jusqu’à présent, elle croit à fond Que le jour vient pour percevoir sa rente.
Le vigile qui surveille la nuit A bien entendu parler de la femme Qui veut toucher tout à ce qui lui nuit En voyant clair même avec ou sans flamme.
Alors, il fixe ses yeux dans le noir Jusqu’à ce qu’il ait envie d’aller dire A Jeanne que le lynx a le pouvoir De la voir le soir sans se l’interdire.
L’ampoule éteinte, Jeanne sent le chat Sauvage qui la regarde et la veille ; Et de sa langue rosée, il lèche… ah ! La chatte qui ne quitte pas la vieille
Dont la crainte se mue en vif plaisir ; Du coup, elle joue à « coucou l’aveugle » Et c’est avec un infini désir Qu’elle entend que près d’elle un taureau meugle.
La lumière, enfin, revient au veilleur Qui va – obligé - dormir la journée. Jeanne a gardé de sa nuit le meilleur Et se verse un verre : oui, c’est sa tournée.