Menue et devenue toute délingée, nue, L’affluence l’a vue la vierge de pudeur Qui s’est voulue nue et qui rit d’elle, ingénue Au cœur vert baignant dans une mer de candeur.
Elle a cru qu’il est plus sûr d’ôter ses habits Pour aller et venir sans tulle et sans dentelle Du cou au-dessous du genou mais s’ébaubit L’oeil séduit, qui suit le puits où l’eau est en elle
Et poursuit son chemin plein de son cristallin Rentrant les fruits jolis cueillis par la pupille Ecarquillée, fixée sur le sein opalin Dont le tétin rosé excite la papille.
Elle voit sans le voir le regard importun Qui tâtonne, fouille, s’enhardit et se fige Sur le rond du nombril souverain qui porte un Saphir lisse jaune au brillant nom de prestige
Donnant à son teint blanc l’éclat du diamant Surtout ce jour où se tournant vers la fenêtre Inondée de soleil, son seul maudit amant La baise tant que son rayon expert fait naître
Au creux de son ventre une excessive chaleur Qu’elle sent et son sang fonce dans son artère Si éperdument qu’il fait rougir la pâleur De son front et l’émoi l’envoie raide par terre.
Le plafond tout le temps contemplant le plancher S’attarde sur le bel amour nu qui s’allonge Etonné qu’il n’ait pu s’empêcher de flancher Au lieu de demander que sa vie se prolonge
Car plaqué et laqué, ce grand chêne, écorcé, Fut paré de glands blonds, d’oiseaux bleus, de feuillage Et le destin de ce prince craint s’est corsé Quand il fut dépecé avec son habillage.
En bas, ce corps mort peut se dresser, à propos ; Lui, qui vivant, fut haut, mort, ne peut redescendre Mais ces deux nudités auront leurs propres peaux Réduites – malgré eux – en poussière de cendre.
Les yeux posés sur eux les séparent en deux Et choisissent celui si joli qui s’agite Car même si le bois verni n’est pas hideux Ils aimaient ses nids d’œufs où la pie a son gîte.
Ce petit arbre à terre a remué un bras, Se remet sur pied et redresse son tronc lisse ; Le chêne du plafond le voit comme un cobra Capable de monter pour s’en faire un complice :
Mais le vénérable a la lame en un étau Et ne peut avec lui danser dans l’innocence ; Ces beaux végétaux sont – certes – congénitaux Mais lui est au dernier rang de l’arborescence.
La vierge, alors, sort de la pièce et le soleil Réchauffe un morceau du mort dans un nœud coriace Qui ne tombera pas au sol, qu’elle pareil, Car son cœur même nu est mieux qu’une cuirasse.
Il est donc condamné à rester haut perché Sans pouvoir remuer le moindre œil qui inspecte La chambre où l’amour fou n’avait pas recherché A quiconque troubler dans sa tenue suspecte.