Lourd et chaud est ce soir d’une fin de semaine Ecrasant les cous mous de la peuplade humaine Qui se croise et se frotte un coude un humérus En sachant qu’elle fait partie du numerus De ces travailleurs de ces ouvriers d’usine De ces stagiaires qui oeuvrent en cuisine Des petits boutiquiers des banquiers désœuvrés Des vendeurs de souliers de ces gens manœuvrés Par la modernité de ce siècle où la vie Ne se réussit que quand elle fait envie Et les corps se cognent pour entrer dans les bars Où règne en maîtresse la fumée des loubars Levant leur chope de bière pleine de mousse Avec un avant-bras parfois un rien maousse Et qui parlent de tout pour ne parler de rien Même du gars du coin qui serait un vaurien En tout cas pas meilleur que l’affreux politique Attisé par les feux nourris de la critique ; Le soir continue de diffuser sa lueur Sur les cous mous et les fronts mouillés de sueur Par l’entremise usée d’un pâle réverbère Au pied glacé tenu par la main d’un Berbère Sorti du café pour vomir et soulager Un besoin naturel et propre à outrager Le passant qui se rend près de là au théâtre Rouvert après avoir essuyé tout son plâtre. La porte du bistrot ne filtre plus les voix Qui s’amplifient dans la nuit qui déjà se voit.
Il est une heure du matin sonne une cloche ; Un Chrétien se signe et dit que sa vie est moche : Mon dieu comment puis-je être tombé aussi bas Au milieu des loulous des bobos des babas ? Dis toi qui es le fils de la vierge Marie Avec qui veux-tu que ma gueule se marie ? Regarde-moi mes yeux sont rougis par les fers Soumis aux feux brûlants éternels des enfers ; J’ai en corps du fiel et de la mauvaise graisse ; Que le tien devant moi soudain réapparaisse Après qu’il subit les affres du Golgotha Ressuscité de la Mort que Ponce vota. Le battant d’un seul coup a fait vibrer la cloche Inaudible au souci tapi dans chaque poche De ces âmes perdues qui marchent vers le jour En laissant derrière eux des relents d’alcool pour Essayer de guérir leur misère ordinaire Si légère à porter par la tête lunaire Qui leur dit viens chez moi il fait chaud il fait bon Et l’on partagera cornichon et jambon Puis on brandira le drapeau de l’anarchie Avant d’égorger la bourgeoisie enrichie ; Et le chrétien troublé ressent son grand tourment Une proie lui aussi du lent retournement Des pauvres gens qui seuls connaissent la richesse Mais tentés par être titrés duc ou duchesse Alors que leur trésor fut donné une fois Dans le baptême où l’eau est le sel de la foi Mais qui s’évapora dans les haleines fortes Echangées derrière vitres opaques portes.
Il est deux heures la cloche a sonné deux coups ; Pour ceux qui demeurent chez eux deux sont beaucoup Notamment les parents craignant la chaude ville Qui entassent souci sur souci presque mille Pensant à leur petit d’homme ô gentil garçon Qu’ils ont vu nu avant son premier caleçon. Mon Dieu dites-moi s’il est pris par la police Faut-il que ma raison s’effondre ou s’amollisse ? A son âge j’étais à la maison et mon Père un tourneur sur bois prénommé Pierre-Edmond S’apprêtait avec ma mère Marie-Louise A prier avec tous les enfants autour d’eux Et en se tenant la main chacun deux par deux On récitait que le règne de Dieu arrive Et qu’il nous garde sur la bonne et droite rive. Les enfants d’aujourd’hui nous causent du tracas En entrant dans la vie avec cris et fracas, Le cerveau retourné par les vendeurs de haine, Dressant au pilori les cœurs purs, l’âme saine Pour bâtir un empire aux murs clos à l’esprit Et qui veulent donner à chaque chose un prix.
Pour la troisième fois, s’entend sonner la cloche Comme s’il y avait quelque chose qui cloche Comme si l’Eternel demandait à l’éveil De rester vigilant avant le vrai réveil Et depuis deux mille ans, si le Mal reste alerte Obstinément, la voix de Dieu reste en alerte. Trois fois le coq chanta renié fut Jésus Sans que son sang partant ne changeât de rhésus. Et recommencement : pauvre monde fragile Qui ne peut se sauver sans manger l’évangile ; Mange-le avec le christ donné sur la croix Pour que tu vives toi est-ce que tu le crois ?