Le loup hurle à la lune un ouh d’inquiétude ; Ses proies pleines d’effroi le voient net sur le mont ; Et ce tueur au cœur plus noir que le démon Ne prête pas ses dents à la mansuétude.
Les arbres sont tendus, pas un bruit ne respire ; La belette et le loir s’assoient près du renard ; Chacun reçoit chez soi la venue d’un traînard En espérant que ne surgira pas le pire.
Et puis après quelques hurlements, un coup claque Aussi sec que les fronts sont trempés de sueur ; La nuit crie et donne la lune une lueur Insolite au sang qui s’en va dans une flaque.
Au matin, les arbres, les bruits ont repris vie ; Ont dormi tout leur saoul belette, renard, loir ; Les esprits refroidis s’empressent de vouloir Remettre la nappe à la table desservie.
Etrangère à ce drame, une musaraigne erre Et passe incidemment sur un sentier privé Qu’elle n’a (ça ne lui est jamais arrivé) Suivi mais son nez flaire une odeur de tanière.
Et au bout de cent pas, apparaît une cage Dissimulée derrière un fouillis de buissons Et secoué par des spasmes et des frissons Un loup tourne et cherche la clé du déblocage ;
Emue, la petite bête voit le sang rouge Couler sur le côté qu’elle voudrait lécher Mais le seigneur-hurleur par peur de l’allécher Se retourne et pas un de ses poils noirs ne bouge.
Le saigneur-prédateur à son tour a la rage D’avoir été pris et privé de liberté Quand d’autres, la queue lâche, ont déjà déserté Alors que Lui se bat avec hargne et courage ;
La musaraigne, plus que troublée, lui demande Si elle peut l’aider à sortir de l’enclos ; « Dehors, j’assure ta mort, va, sale mulot Avant que je t’engouffre en ma bouche gourmande. »
Le loup plante alors ses crocs dans sa plaie béante Et son sang court autant qu’un palpitant torrent ; Arbres et bruits sont cois : quelle est la vie géante
Qui - ferme – en corps tient aux parois de ses entrailles ? La mort, respectueuse, attend et se tord en Entrant dans une des ses anciennes entailles.