Je n’ai jamais compris pourquoi le train de vie Conduisait à la mort ; Mon cheval fut épris d’une route suivie Sans peur et sans remords. Ainsi, c’est avec lui que je courus les plaines, Les déserts et les monts ; Nous faisions pénétrer d’entières brassées pleines D’air frais dans nos poumons. Ses naseaux écumaient et sa crinière blonde Volait aux quatre vents ; A cru sur sa croupe, je parcourais le monde En me sentant vivant. Parfois, cet équidé s’essayait à la course Avec un train de fer ; Sa gorge brûlait tant qu’il cherchait une source Pour calmer son enfer. Je lui disais « Jamais » (c’est ainsi qu’il s’appelle) Tu as fait le malin, Ce monstre sans fumée au nez, je te rappelle, Ne fait pas de câlin. Il est sans longue queue, sans long cou, sans crinière, Sans garrots, sans sabots ; Et s’il était extrait d’une terre minière Et qu’il trouvait ça beau ? Dans son ventre allongé, a pris place une chaîne D’identiques humains Qui voient défiler pin, hêtre, peuplier, chêne, Sans s’empoigner les mains. Nous, on partage tout, coups durs, coups doux, on joue, Et quand tu es brisé De fatigue, j’ose t’embrasser sur la joue : Tu m’as autorisé. Dis, Jamais, comprends-tu vers où ce train de vie Conduit ceux-là par là ? - Je ne sais pas, petit, jamais je n’eus envie D’aller dans l’au-delà.