Vos
poèmes

Atteint d’entière cécité,
André surnommé « la chouette »
Vit au milieu de la cité
En promenant sa silhouette ;

Quand son chien harnaché le guide
Avec assurance et ardeur,
Il offre ses yeux à l’œil vide
De son bon maître demandeur

Qui ne connaît rien que le noir
Opaque, épais et il colore
En pensant au maître Renoir
Un lys blanc qui ne veut éclore.

Dans sa tête, un rêve se lève :
L’espoir est-il un jour de voir ?
Serai-je toujours cet élève
Qu’on exclut sans un au revoir ?

Comme Gilbert, notre André chante
En trémolos chauds, colorés ;
Un air toujours, revient, le hante :
« Mes yeux ne sont pas éplorés »

Enfermé dans sa prison sombre
A l’écart du frisson des Arts,
Il connaît la lettre et le nombre
Et les symphonies de Mozart.

Il respire l’odeur des fleurs
Mieux que la plus fine narine ;
De ses yeux morts sortent des pleurs
Quand une peine le chagrine.

Il parle aussi bien qu’il entend
les ondes du son fendant l’ombre
Et apaise en parlementant
Ceux que la pensée vile encombre.

Oreilles, mains, nez, langue unis
N’ont pas crainte de l’invisible
Car leur force est d’être munis
D’une confiance paisible.

André, es-tu handicapé
Derrière ton ébène voile ?
Non, tu es un Dandy capé
Dans la lumière d’une étoile.