Je fais couler dans mon verre un Buzet aux reflets verts Qui va sur ma langue rose Et après deux gorgées que j’ai avalées de travers Je ne peux qu’écrire en prose Et cette fois où je bus un vin vieux bleu-violet Contenu dans une coupe De cristal de Bohème, j’aperçus un guignolet Stagnant dans une soucoupe Que j’ai lapé d’un aller-retour (vite fait, bien fait) Au moment où quatre bières Rousses au malt allemand m’ont procuré un bienfait Egal au cru de Corbières Croissant dans le Languedoc (pas si loin de Perpignan Au cœur central de mon monde) Mais c’est surtout la boisson qu’on déguste à Frontignan, Damant le pion à la blonde, La fillette du muscat qui procure une liqueur A la belle robe abeille Qu’elle enlève et dépose dans mon verre de trinqueur Qui avise une corbeille Tressée d’osier et ma main se saisit d’un fruit doré (De préférence une orange) Cueillie très tôt à Murcie sous un soleil adoré Par l’enfant brun à la frange Descendant jusqu’à ses yeux qu’il relève assez souvent Et notamment quand il pèle L’agrume rebelle avec un geste gauche émouvant Et parfois son chef l’appelle Pour lui dire : « Ola, Franco, debes trabajar mucho » Et sa tête se renverse Sous un long jet de Jerez ; il est midi, il a chaud Quand surgit, - vive - une averse Et les récolteurs trempés admonestent cet été Qui, méchamment, les arrose Pendant que de mon côté, mon bon Buzet est tété En mouillant ma langue rose.