Marie-Louise était née en mil neuf cent onze Et entre deux devoirs, elle apprit ses leçons D’histoire, de grammaire et des statues de bronze Des grands hommes d’hier qu’aujourd’hui nous laissons
Marie-Louise était une simple ouvrière Qui usinait les bons cochons en saucissons En pâtés en jambons et disait sa prière Dans sa cuisine quand carotte et sauce y sont
Marie-Louise était exigeante en Voltaire, En Rousseau, en Boileau et ne comprenait pas Qu’on pût s’exprimer à la place de se taire Quand déclament des vers brillamment les papas
Marie-Louise avait la haine du vulgaire Qui s’associe aux mots-caniveaux de l’argot Et avait conservé ce loin instinct grégaire Eprouvé par les coqs dressés sur leur ergot
Marie-Louise avait les temps en concordance Et faisait suivre après que de l’indicatif Mais ne voulait jamais que son abscons corps danse Si le subjonctif n’est ici qu’indicatif.
Marie-Louise était allée à l’Elysée Où elle fut reçu par le jeune voyou Qui eût pu gagner des lauriers au Colisée Enivré de bravo, de viva, de youyou
Marie-Louise était revenue dépitée D’un entretien avec ce très mauvais parleur Gouailleur, égotique et s’est précipitée Là où vit l’ami qui imite un singe hurleur
Marie-Louise avait ri et s’était remise De cet épisode où les chagrins sont atteints Puis elle alla scier du bois dans sa remise Avant de préparer une tarte Tatin.
Marie-Louise avait la plus belle richesse Amassée dans l’esprit et dans le cœur aussi Et sa seule ennemie n’était pas la duchesse Mais la bassesse qui croit avoir réussi.
Marie-Louise avait tout raté dans sa vie Pas de portefeuille pas de bons du trésor Mais son succès était d’avoir toute sa vie Elevé son esprit et chassé dehors l’or.
Marie-Louise était avec l’analphabète Qui sait ce qu’est un sou mais tait fric et pognon Considéré par le pou qui triompha bête Ane à manger du son sans ail et sans oignon
Marie-Louise avait eu le certificat De ses études dont elle fut la première Et chantait le rosaire et le magnificat Quand la vierge Marie venait dans la lumière.
La forme du poème a changé je l’accorde Afin de montrer qu’un enfant n’est pas ingrat Et mettra des années à sauter à la corde Que sa mère a tissée avec des boyaux gras.
Marie-Louise était une espèce de sainte Qui du ciel pardonne aux méprisants aux haineux Le dimanche elle avait sa gorge blanche ceinte D’une chaîne aux maillons moins serrés que nos nœuds.
Je te salue maman qui t’appelait Marie Et Louise étant le féminin de Louis Porté par un roi qui voulait que se marie Le cœur avec les yeux des esprits éblouis.