Ce nouveau matin m’a rendu plus vieux Et je n’irai pas visiter la rose Guillerette sous ce ciel pluvieux Qui après l’avoir repérée l’arrose.
Chez moi, j’ai le toit, le chien et le chat, Une radio, la chaise et la table ; Ma voisine me fait parfois l’achat A Leclerc grâce à un cœur charitable.
J’ai besoin du lit le jour et la nuit Même s’il ne vit pas dans la cuisine Et sa compagnie pousse mon ennui A espérer que vienne ma voisine ;
Mes animaux ont museau au carreau Et je vais voir où leur regard se porte ; Le chien, résigné, se tient à carreau Car il sait que je n’ouvre pas la porte.
Un jour, une voix, m’appela : « ça va ? » J’ai dit « Qui est là ? C’est du démarchage ? » - Non, je suis témoin du Dieu Jéhovah Qui vient élaguer votre vieux branchage.
J’ai pensé : chapeau ! Il a de l’aplomb Doublé du sens de la formule heureuse ; Mais, il a reçu dans sa cuisse un plomb Et s’est envolée cette âme peureuse.
Apparut à la fenêtre, un matin, La face embellie d’un vrai socialiste Que j’ai démasquée (il avait le teint Rosé comme est bleu un capitaliste.)
Le coucou sortit de l’horloge en bois Et chanta trois fois en guise d’alarme Pour que ce triste fuie mis aux abois Qui voulait user de sa si sale arme.
Hein ! Mon chien, c’est bien de vivre chez soi Quand l’ennemi prend le maquis et chasse A la fois tout ce qu’il sent et perçoit Comme meilleur que héron, grive, échasse.
Tiens, je vais jusqu’au réfrigérateur Qui sera ma vraie seule promenade Et je passerai mon aspirateur Après avoir bu une limonade.
Et toi, que veux-tu, chat ? Une souris ? Cherche dans le trou en haut de la plinthe ; Tu sais qu’il n’est pas plein et je souris Car tu ne peux pas sortir porter plainte.
Ta queue chatouille ma bouche, mon nez Puis tu pousses ta tête sur ma joue ; Voici que tu te mets à ronronner Car mon front sur ton dos de puma joue.
Table et chaise sont restées sans parler ; La vitre est frappée par la pluie ; sa larme Glisse et veut entrer ; elle peut perler : Je ne cède pas, même sous son charme.
L’horloge se tait ; la boîte à chansons A perdu sa voix en suçant sa pile ; Je l’écoutais dire : « allons don’, dansons ! Avec ce disque au-dessus de la pile. »
J’ai bien mal aux reins depuis samedi Et j’aimerais bien qu’arrive Martine, Ma voisine… (Oh oui ! Comme ça me dit !) Qui acceptera ma fine tartine
A croquer à deux les yeux dans les yeux Puis je m’étendrai sur mon lit de paille Et sentirai ses doigts consciencieux Me chauffer la nuque et brûler ma taille.
Mais, il est l’heure d’aller me coucher, La pluie est entrée, le vent l’a poussée ; La fenêtre bat ; on frappe un coup chez Moi ; Martine entre, toute éclaboussée
De la tête aux pieds avec à la main Un gros couteau suisse et plonge sa lame Dans le cou roux du chien nommé « Gamin » Qui hurle ; le chat plus qu’ému rend l’âme.