La faim, le froid… La marche au hasard dans la rue Avec des chaussettes trouées dans les souliers (offerts pas un frère aux bienfaits vite oubliés) Prenant la pluie glacée quand elle tombe drue.
Et l’odeur… Bordel de dieu que je peux puer De tous mes trous d’enfer et du creux de l’aisselle, Des pieds au relent de blanc fromage en faisselle Effrayant le nez d’un bouc jusqu’à le tuer.
Je suis un Jean Valjean, un pouilleux écoeurant Dont les seuls amis sont la crasse et la vermine Grouillant impunément dans ma toison d’hermine A la manière d’une armée de conquérants.
Me voici devenu une grossièreté Dont la viande en lambeaux est en partie pourrie ; La meute affamée des chiens-loups sera nourrie Par mon inconsistance et ma légèreté.
Ma mère ne me sait, ni ne sait rien mon père ; Personne n’a rien su, sauf un magicien Qui changeait l’eau en vin et un milicien Adorateur d’un peuple en perte de repère.
Déchet d’humanité, en marge de cahier Où les zéros en soin m’obligeaient à écrire Cent fois « je ne vaux rien et je ne fais que rire Au lieu de m’appliquer et de bien travailler ; »
Je ne fis pas d’effort pour fuir devant les choses, Mais, je sais, en tous cas, qu’on ne peut pas m’ôter Ma belle liberté, mes printemps, mes étés, Le souvenir vivant du lourd parfum des roses.
Dans mes dégoûts d’égouts, je peux toujours humer Une odeur en viager là où Maxime habite Qui passe me dire « elle était maxi ma mite Désormais rétrécie : je l’ai trop fait fumer. »
Mon chemin bohémien est mien et il est vrai : Je vais chantant, pleurant, souffrant sans que je trie Rien de mes vingt-cinq dents dans ma bouche qui prie Dieu qu’il me laisse un cœur joyeux, candide et frais.