Crois-moi, ne copie pas l’homme et imite Dieu Qui peut faire éclore des fleurs bleues dans tes yeux Et délaisse le lys, la rose et la jonquille Auxquels tu plais quand ta pupille s’écarquille ; Ne mets rien dans la main de celui qui la tend Et ne lui dis pas le joli mot qu’il attend ; Que ta bouche se ferme aux ailes de la mouche Vibrionnant autour de ton nez qui se mouche Et si tu sens au ventre une paire de vers C’est que ta gorge vient d’avaler de travers. Avec toi, s’endort ta faim quand elle se couche Et se réveille avec toi au pied d’une souche Qui fut un cerisier ou un mirabellier Heureux d’avoir connu chèvre, mouton, bélier. As-tu besoin de te comparer ? Vois ta force Aussi puissante qu’un chêne sous son écorce. Ne jalouse pas le torse des bûcherons Agressé par une nuée de moucherons. Comme Dieu, tiens-toi seul, regarde, écoute, veille Et quand vient le matin, souris : la vie s’éveille Dans le hennissement fougueux des étalons Qui galoperont plus vite que tes talons Posés l’autre après l’un sur les brins d’herbe verte Tapie sous la rosée dont elle est recouverte. Reste très concentré sur les essentiels Et méfie-toi des faits événementiels Affectant le plaisir de l’immédiate joie A voir un canard vert baiser une beige oie. Le vent se lève autant dans la nuit qu’au matin Pendant que ton corps vit dans des draps de satin : Demeure donc. Pourquoi partir ? Est-ce que l'eau N'est pas la même au ru courant sur le roseau ? Les paysans parlent - en verlan - des campagnes Qui tutoient les monts ronds rabrouant les montagnes Si près du tonnerre venu après l’éclair Foudroyant la noirceur du ciel de son trait clair. Ne copie pas l’homme et admire la Nature Aux éléments divers exempts de signature Mais aux noms sus par veaux, oiseaux et bécasseaux, Chevaux, rats d’eau, mulots et castors des ruisseaux, Par les forêts : ohé le chêne, ohé le hêtre Avez-vous le matin toujours cette envie d’être En allant sereins vers le voile noir du soir Qui vous couvre avec le bruit prié de s’asseoir ? Et toi, tiens-toi debout sans partir en voyage ; Il te suffit de voir les nuages sans âge Surplomber les maisons, les rivières, les monts Et derrière eux, Dieu a les yeux sur les démons. Crois-moi, ne te fie pas aux paroles de l’homme Qui ne connaît même pas comment il se nomme : Hé, trucmuche, hé machin, hé le gros, hé l’affreux Alors que la pie sait ce qu’est un corbeau freux Et qu’au ciel, chaque Saint a le prénom d’un ange Qui pour l’Eternité de Dieu jamais ne change.