Quand tu es mal portant et recroquevillé Sur ton infirmité que tu dis maladie Dévorant ton dedans qui dehors irradie, Songe à l’absurdité de ton corps chevillé.
Vois-tu le grand soleil de ton pauvre œil aveugle ? Sens-tu le sapin vert ignoré par l’hiver Et le chatouillis de la plume au vent de fer ? Entends-tu le taureau qui sur la vache meugle ?
Quels sont les pensers flous qui habitent ta tête Nageant dans un bouillon où cuit la déraison Quand après la moisson survient la fenaison Et que toute l’année le veau sa mère tète ?
Pauvre de toi égal autrefois au génie Analysant le chaud crottin sous le cheval Qui transpirait, soufflait quand il grimpait le val La crinière mouillée par la suée bénie.
Ris des cent océans, des monts blancs et des neiges Qui restent au printemps pour les couples d’amants Et des étoiles qui dansent au firmament Luisant dans les yeux des enfants sur les manèges.
Songe au lys, au lilas et regarde la rose A peine éclose qui sait se tenir debout Et même dans la boue, car cette beauté ose La joie de se montrer tout partout sans tabou.
A quoi servent le buis, le romarin, le thym, Aujourd’hui vivants et demain pris par la terre Sinon à les humer tant que leur caractère Les maintient avant qu’ils nous quittent un matin ?
Ô, inutilités dont il est peu friand Endiguez son orgueil bâti en faux empire ; Restez pour éviter que sa souffrance empire Et faites que son œil s’entrouvre en souriant.