Ô Verhaeren, t’ai-je plagié, t’ai-je copié En inscrivant dans mon cœur la longueur des plaines Traversées par des miséreux à pied Sous des bedaines pleines De cet alcool si fort et qui endort Usures, cassures, blessures, meurtrissures Qui se réveillent quand la lune est d’or Et que les cors dans les chaussures Brûlent par le frottis Des doigts-martyrs sur la chaussette Jusqu’à ce qu’ils sentent les rats rôtis Avant de s’arrêter le temps d’une pissette ? Puis, ô Verhaeren, tu repars Avec ceux des usines (Arènes immenses aux immenses remparts) Qui rêvent de chevaux, de belles limousines Et de rentrer boire dix bières et pour voir La marmaille ; les femmes Accompliront au lit leur conjugal devoir Et eux sont sûrs que de plaisir elles se pâment Alors que leurs cris sont Plus que douleur, dites : souffrance Et qu’elles pensent à l’impossible frisson Qu’elles ont tant cherché sur Belgique et sous France. Voici comme est le Nord Avec ses canaux pleins de brumes Qui dissimulent la lune jaune or Le feu de Dieu qui a enflammé les agrumes De Nice et de Menton ; Ô Méditerranée, Si tu pouvais aller chatouiller le menton - Juste un petit mois dans l’année - Des enfants qui se trempent dans l’Escaut A Gand, Tournai, Anvers ; ce fleuve D’acier glacé se jette en versant son écot Dans la mer, Verhaeren, où tu crains trop qu’il pleuve.