Je toque à la porte et sans réponse je sonne… J’attends quelque temps et je me résous : personne. Sur le point de partir, j’entends : - c’est le facteur ? Et à brûle-pourpoint, je dis : c’est le docteur ; - Le docteur ? Je n’ai rien, je ne suis pas malade ; Qu’est-ce que c’est que cette indigeste salade ? - Pardon, monsieur, j’ai sans doute fait une erreur ; Je ne suis – certes – pas un semeur de terreur Et de ce pas m’en vais passer à l’autre porte ; Si ça ne répond pas, je partirai : qu’importe ! - Allons, ce n’est pas grave ; êtes-vous médecin ? - Hélas ! non, je n’ai pas eu l’heur de ce dessein : Je ne suis qu’un docteur en licence de lettres, Un sosie de facteur qui apporte les lettres Aux gens qui attendent de la vie un roman Et pour eux c’est toujours un merveilleux moment ; Si vous voulez m’ouvrir, ma joie sera de lire Ce que je viens d’écrire : un surprenant délire Qui m’a fait tant rire que vous serez surpris Par ce qu’il recèle et je vous ferai un prix ; - Dites, si j’ai compris, vous proposez un livre ! - Oui ! Celui-ci fait vivre et des soucis délivre ! Un silence étonnant s’installa entre nous ; La porte s’entr’ouvrit et se mit à genoux Une femme vieille : - tu me donnes la fièvre Et tu rougis ma joue comme est rouge ma lèvre ; Viens, entre, mon amour, dis-moi ce que tu sais ; Ecris-tu à peu près comme Alfred de Musset ? As-tu souligné dans ton bouquin une ligne Pleine de mots sucrés : mon regard gourmand cligne Et ne m’appelle pas monsieur ; c’est vrai, ma voix A force de crier, t’a trompé mais tu vois, Un chat miaule en ma gorge et m’est très fidèle. Dis, as-tu une belle ? Allez, cause-moi d’elle. - Madame, levez-vous ; Oh ! Que vos yeux sont bleus ! Mais, pourquoi pleurez-vous ? - Sur mon cœur sec il pleut.