Pleure mon cœur jusqu’à ce que mon œil te voie Pleure mon cœur, pleure jusqu’au clair de mon œil Pleure et prends le chemin étroit, la bonne voie Et quand tu y seras, vas-y, franchis son seuil Et ne crains pas qu’il te renvoie.
Laisse-toi glisser – doux - sur la joue veloutée Ô mon cœur, abrité tendrement dans ton pleur Et goûte à une joie que tu as redoutée Lorsque tu étais arc-bouté sur la douleur D’une misère inécoutée.
Qui t’entendait mon cœur battre dans ma poitrine Aussi faiblement qu’un petit cri de pinson Qui, sorti de son nid, heurte et glace et vitrine Dans la dureté de la ville sans buisson Où le bien au mal s’endoctrine ?
Qui te voyait trembler sous les os, dans ta cage A part le va-et-vient lancinant de ton sang Aspiré, refoulé, en gai concubinage Se conduisant en un parfait adolescent T’aimant comme un vrai personnage ?
Hé, mon cœur n’aie pas peur, ce pleur est une larme T’emportant sur la blanche eau de son flot léger Qui, coule, petite boule et roule sans arme Autre que d’essayer de bien te protéger Après ton premier cri d’alarme.
Ô mon cœur, ton pleur est un ami éphémère Qui séchera très vite après être sorti ; Toi nu redevenu, l’œil tendre d’une mère Verra ton rose avec ma joue blanche assorti : Ta peine sera moins amère
Car la joie d’une mère ou de toute autre femme Est de voir battre un cœur même pris dans un pleur Et quand se meurt le pleur alors le cœur s’enflamme En faisant naître sur la joue pâle une fleur Dont la graine provient de l’âme.