Un enfant vint vers moi en bordure de route Et me demanda l’heure avec l’air apeuré ; Pendant un court instant, je fus pris par le doute Craignant que, brusquement, il se mette à pleurer.
Je me suis rapproché un peu plus en avant ; Je lui ressemblais tant lorsque j’étais un gosse ! Le nez un peu morveux et la bouche bavant Sur le festin qu’il vit servir un jour de noce.
Je mourrais d’envie de savoir des tas de choses Sans oser déflorer son bouquet de secrets ; Etait-il – comme moi – un amoureux des roses Qu’il offrait aux reclus, aux humbles, aux discrets ?
Je repense à l’endroit de ce rapide échange Avec ce petit homme, aujourd’hui disparu ; A-t-il suivi la voie royale d’un archange Ou un démon est-il devant lui apparu ?
J’ai cru le retrouver sur le quai d’une gare Avec ses longues mains et ses grands yeux éteints Prêt à prendre un train et j’ai crié : ho, hé, gare ! Crois-tu que où tu vas, tu as droit au festin ?
(Ne sommes-nous pas mus par le fruit du hasard Si se sème un poème à même sur la crème D’un gâteau de fête laissé dans un bazar A laisser pantois un pondeur de théorème ?)
Puis, avisant un banc de plastique et recru De fatigue et de stress, j’ai suspendu ma vue Et j’ai cauchemardé (en pensant, je l’ai cru) Avoir fait avec ce petit une bévue.
J’ai grimpé dans le train et me mis à renaître En me rappelant le garçonnet que j’étais, La morve et la bave salissant la fenêtre Dont la vitre sans tain me faisait voir l’été.