Vous venez de croiser ce gars au dos qui penche, Le visage mangé par le poil négligé, Un imper élimé sur le coude et la manche, Le front plein de pensées : Dieu qu’il semble affligé !
Vous avez senti son parfum de peau tannée Dégagé par ses pieds, son haleine et ses hardes Délivré avec une bonté spontanée Aux amateurs d’odeurs portées par les renardes.
Ah ! La misère noire éprouvée par ce gueux Aussi déconcertant qu’un poète débile Marmonnant, ronchonnant, l’épiderme rugueux Mais écrivant avec une encre indélébile.
Ah ! Comme je plains ces marginaux sans famille, Sans toit, sans foi, sans loi, sans voix, sans même un os A ronger par mon chien qui s’appelle Camille Dont la gueule a tous les traits d’un rhinocéros.
Vous détournez la tête et l’inconnu s’éloigne Avec détachement, les deux mains dans les poches Quand vous l’entendez dire « il faut que je témoigne, Ce type et moi sommes les rois de tous les moches. »