L’averse transperce nénuphars, roseaux, joncs, La bécasse affolée voit surgir l’hécatombe D’un ciel qui part à la renverse et son plongeon Suit le sourd grondement du tonnerre et sa bombe Qui tombe sur les morts se levant de leur tombe.
Blanche de hargne, la pluie se lâche à grands seaux Et troue l’eau de l’étang ; le linge misérable Est relavé sur son fil et les bécasseaux Sont réfugiés dans les cheveux de l’érable Attendant la fin de ce temps intolérable.
Et le vent et le vent qui clame à la campagne De le laisser passer avec ses bataillons Formés sur le sommet de l’altière montagne Qu’il va déployer en féroces tourbillons Creusant dans les herbeux champs de profonds sillons.
Les feuilles rougeâtres tâchées de lie de vin Balayées sans douceur par l’impolie tornade S’en vont se regrouper tout au fond d’un ravin, A demi-assommées par la forte empoignade De ce géant soufflant solitaire et nomade.
Et les nuages, lourds, en meute et imbus d’eux S’entrechoquent, se font insolemment la course Comme des navires monstrueux et hideux Qui s’entrecroisent car privés de la grande ourse En fendant l’océan qui cherche où est sa source.
Et la barque à moitié remplie d’eau tire sur Une chaîne aux maillons rouillés et se balance En tanguant, en roulant dont le fond n’est pas sûr De pouvoir résister aux pics de violence Du vent et de la pluie déchirant le silence.
Les joncs agenouillés, plaintifs, sont effrayés D’être giflés sur les côtés et à la face Et d’arrière en avant, les voici tiraillés, Bousculés, malmenés sans que jamais se lasse L’élément fou que rien n’entrave ni n’efface.
Et le vent brame et geint et siffle en tournoyant ; Il mord par ici, mord par là, cogne et arrache La cime des sapins dans l’étang se noyant, Il hache les feuilles du saule avec sa hache Et l’on entend le long meuglement d’une vache.