Vers où va le ver blanc qui grouille sous l’écorce ? Vers où va le printemps qui fuit devant l’hiver ? Vers où dérive l’île habitée par le Corse ? Là où est l’odeur de la fleur de Vétiver ?
Vont-ils tous rechercher le parfum qui enivre ? Vont-ils tous s’éloigner des mauvaises senteurs ? Vont-ils tous respirer l’air pur qui fait revivre ? Et s’ils ne voulaient que connaître les lenteurs ?
Celui-ci est parti des blés blonds de sa Beauce Et l’autre de sa Brie aux environs de Meaux ; Ils se sont rencontrés en se roulant la bosse Et se sont salués sans s’échanger deux mots.
J’en ai vu un passer à côté de ma porte En prenant bien du temps pour accéder au champ Et j’ai pensé que plus ce brave ne supporte Autre chose que le calme du soir couchant.
L’autre fut vu assis dans un pré vert ; deux chèvres Broutaient le col de son pull en laine angora Et il s’esclaffait en tenant entre ses lèvres Un brin d’herbe : « ici, c’est aussi Bora-Bora. »
Son carré de verdure était beau comme une île, Sauvage autant que Wé Lifou et Ouvéa Qui offrent à la vie un esprit juvénile Où le palmier pourrait accueillir l’hévéa.
Vers où sont allés ces compagnons-camarades ? Les mauvaises langues glosent : « vers leurs tombeaux ! » Ces plantigrades sont sans doute rétrogrades Mais avant de voir la mort, Dieu, qu’ils se font beaux !
Ils se coiffent de vent et se lavent de pluie, Se dorent de soleil, se sculptent en marchant ; Ils ont la plante du pied souple qui s’appuie Sur le sol quand l’argent est pris par le marchand.
Peut-être qu’ils verront le ver blanc sous l’écorce, Le printemps discutant du manteau de l’hiver Et des fois qu’ils voient un habitant de la Corse Tenant dans une main la fleur de vétiver
Qui les hèlerait : « hé, vous partez en balade ? Pouvez-vous m’emmener ? mais vous allez vers où ? » Ils diraient « on n’en sait rien – (dans une accolade) - On a cassé passes, clés, cadenas, verrous. »