Beaux arbres féminins au ventre d’aubier tiède Le miel de votre sève est rivière aurifère Qui nourrit de mots purs ce germe de poète Q’un orage rupture un soir expulsera.
C’est vous, arbres enceints aux seins d’écorce blanche Qui allez lui apprendre, à nager dans les eaux Très musicalement porteuses de murmures, Le galop de l’artère et la gamme des souffles.
Arbres à l’ombre lente avide de soleils Vous tendez vers le ciel l’élan de vos colonnes Pour en secret construire une arche reins ployés Qui sera porte d’or aux pèlerins stellaires.
Mes arbres métissés, forêt touffue d’oiseaux, Votre effort aiguë forge en le fer bleu du ciel La forme du destin et le chiffre éphémère Qui désigne une force en la paume des feuilles.
Arbres, apprenez-moi à écouter la mer Et à goûter l’amer que la vague et le vent Sur ma bouche entrouverte en embruns élaborent Pour donner goût de vrai aux voix de mon poème.
Ô mes arbres têtus, gardiens de mes moissons, Avoines à foison, pivoines en fusion, Bétoines en frissons que froissent les cétoines, Vos ombres floues ponctuent le champ de ma récolte.
Chers arbres ô mes amours en robe de bruine, Trembles sous la trempée, charmes sous la chablée Avernes sous l’averse, ormeaux sous les orages Vous vibrez sous les pluies qui lavent vos gerçures.
Arbres roux au levant solaires sémaphores, Arbres blancs que midi en cascade éclabousse, Arbres mauves au soir que la lune caresse, Vous épousez votre ombre aux noces de la nuit.
Arbres harmonieux, ma famille affermie, Souche à souche enchâssée dans la chair de la terre, J’écoute grésiller le feu de vos serments Comme sarments d’hiver que le serpeau refend.
Et moi, diseuse de gués, guetteuse d’ondées, Immobile au milieu du temple clairière, J’attends le temps sacré de l’enracinement Qui va me transmuter dans la splendeur de l’arbre.
Le François Coppée 20 octobre 2000 A Francine CARON